Samedi 3 novembre le Festival de l’Horreur et de la Mort Qui Tue, qui a durant un mois étendu sa toile sur la Cité Ducale pour faire vivre le spectacle autour du thème subversif et un peu tabou de la Mort, s’est achevé au Théâtre de Mon Désert. Ultime retour…

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  Samedi 3 novembre, une étrange atmosphère planait au Théâtre de Mon Désert, où se préparait la toute dernière soirée du Festival de l’Horreur et de la Mort Qui Tue. Les organisateurs avaient les yeux fatigués mais l’air heureux, et certains spectateurs qui avaient assidûment fréquenté les différentes soirées du festival regardaient autour d’eux, l’air presque étonné de ne bientôt plus revenir aussi souvent dans ce lieu devenu familier.

  Le premier spectacle de la soirée présentait plusieurs particularités : concocté spécifiquement par l’association RésurrAction pour le festival,  il n’était pas tout-à-fait achevé, et ainsi, le tarif n’en était pas fixé. Les spectateurs étaient donc libres de donner, avant ou après le spectacle, le prix d’entrée auquel ils estimaient que la prestation pouvait prétendre. La création consistait en un « Colloque de Conférences Noires » toutefois déjà rôdé le 11 octobre à la Maison de l’Etudiant. Ainsi, la représentation théâtrale prit la forme très originale de quatre conférences aussi farfelues que macabres de par leurs thèmes.

  Durant la première, « L’Orgue à Morgue », écrite par Léonard Mandavy, le docteur Philippe Lajoie, médecin-légiste à tendance maniaco-dépressive, expliquait avec le concours de deux défunts plus ou moins consentants – mais morts à point nommé – quel parti musical on pouvait tirer de cadavres bien conservés. Avec force analyses anatomiques, il entreprit donc de démontrer quelle capacité les cordes vocales des trépassés conservaient à titre posthume et de quelle façon elles étaient exploitables pour recycler les corps en en faisant des instruments inédits ; avant de se livrer à une démonstration qui ne manqua pas de déclencher les rires de l’assistance.

  La seconde fut incontestablement la plus hilarante. Intitulée « Tentative de résolution du suicide chez les personnes handicapées », écrite par Libya Senoussi, la Veuve Noire en personne, elle mettait en scène Florent Noblot, la moitié du duo Les Rim’Ailleurs. Il y jouait le rôle d’Oscar Ischion, un homme bien décidé à en finir, mais toujours empêché de le faire par la contrainte de sa mobilité réduite. Une vidéo de certaines de ses tentatives faillit bien faire littéralement mourir de rire toute l’assistance, et si tel n’était pas le cas, l’intervention d’une sorte de fée pas vraiment bienveillante l’acheva sans doute. Le pari effectué par cette conférence impertinente était pourtant risqué, car non seulement le sujet du handicap et du suicide est par nature délicat, mais de nombreuses allusions étaient faites au sujet plus grave du « génocide » et de « la solution finale ». Ainsi, si l’humour n’avait pas été aussi habilement distillé, bien des susceptibilités auraient pu être choquées ! Fort heureusement, le texte bien écrit et l’interprétation remarquable de Florent Noblot assuraient l’équilibre de telle sorte que le public en oublie de s’outrer pour se contenter de rire de bon cœur.

  Ensuite, « Didier le DJ d’Enterrement » de Samir Gouméziane, nous projeta une nouvelle fois dans un univers musicalo-macabre, en nous présentant le destin hors du commun d’un DJ d’enterrement, dont la vocation s’était déclenchée lors du décès de son grand-père. Malgré quelques petits trous de mémoire que le public excusa bien volontiers en permettant au comédien de revenir quelques répliques en arrière, la conférence réserva encore quelques rires à l’assistance. Le fonctionnement en était toutefois paradoxalement à la fois le principal défaut et le meilleur atout, car dès lors qu’on avait deviné le principe qui régissait les méthodes de ce « DJ d’enterrement », la suite des événements devenait très prévisible. Ce phénomène s’avéra donc à double-tranchant, car il pouvait entraîner un effet de lassitude, ou inversement jouer sur une sorte de comique de répétition. Les applaudissements qui s’ensuivirent tendraient à confirmer plutôt la deuxième hypothèse.
  Enfin, « Le Facedead, l’éternité des Morts sur Internet », conférence écrite par Alexandre Dolle, conclut ce « Colloque » d’une façon quelque peu anarchique mais relativement maitrisée. En effet, Rébecca Binet, présentatrice télé très imbue de sa propre image tenta d’y démontrer l’utilité des réseaux sociaux pour faciliter la communication entre les vivants et les morts à l’ère du web 3.0 mais fut un peu perturbée par le choix d’un spectateur récalcitrant. En réalité, le quidam choisi dans le public pour monter sur scène donner la réplique à Rébecca Binet s’avérait tellement coopératif qu’il aurait bien pu ruiner le spectacle si la comédienne n’avait pas fait montre d’un tel talent d’improvisation. Stimulée par la répartie inattendue de son invité, elle dut faire dériver et prolonger un peu la conférence pour mieux la reprendre en main, mais ce fut un régal supplémentaire pour le public, tant la performance fut cocasse.

  Au final, s’il était manifeste que le spectacle était encore en cours de création et pouvait être amélioré, ce « Colloque de Conférences Noires » se révéla donc très drôle et très réussi. On ne peut qu’espérer avoir l’occasion de le revoir programmé bientôt dans sa version la plus aboutie.

  Le tout dernier spectacle de ce festival, intitulé « Pour En Finir… » devait mêler théâtre et danse sur une représentation inspirée d’un texte d’Antonin Artaud, Pour En Finir avec le jugement de Dieu. Hélas, à notre grand regret, nous n’avons pas pu voir ce spectacle, dont la musique était signée Julien Roux, le même musicien qui avait assuré la très belle bande-son d’Haxan – La Sorcellerie à-travers les âges, le 29 octobre.

  A l’issue de ce mois de festival, et plus particulièrement de cette semaine de spectacles, une conclusion s’impose : soir après soir, le Festival de l’Horreur et de la Mort Qui Tue n’a pas cessé de nous surprendre, proposant des représentations de tous types avec un souci constant de qualité. En une semaine on n’aura ainsi pas vu deux spectacles semblables, et le thème funèbre de ce festival n’aura pas été traité deux fois de la même façon. Il y en aura donc eu pour tous les goûts et toutes les sensibilités, pourvu que les spectateurs aient l’esprit suffisamment fantaisiste pour se laisser voguer de contes en chansons, de théâtre en invocations spirituelles, de danses en séances de cinéma pas comme les autres.

  Ainsi nous ne pouvons que souhaiter longue vie à ce Festival de l’Horreur et de la Mort Qui Tue. S’il lui était impossible de se prononcer concernant l’éventualité d’une deuxième édition, la Veuve Noire se montrait confiante et rayonnante lors de cette dernière soirée. Quoi qu’il en soit, cette très belle première édition a été un indéniable succès.

 

 

Soirée du 3 novembre 2012 :
Colloque de Conférences Noires / Théâtre
Création RésurrAction
Un colloque de quatre conférences de 20 minutes écrites et mises en scène par des étudiants aux dents longues. Humour noir garanti. Âmes sensibles s’abstenir. Au programme :
-       « L’Orgue à Morgue » de Léonard Mandavy
-       « Tentative de Résolution du Suicide chez les Personnes Handicapées » de Libya Senoussi
-       « Le Facedead, l’éternité des mortels sur internet » d’Alexandre Dolle
-       « Didier, le DJ d’Enterrement » de Samir Gouméziane.
Durée : 1 h00
« Pour en finir… », Théâtre / Danse
D’après « Pour en finir avec le jugement de Dieu » d’Antonin Artaud
Danse : Fadila Roux
Guitare – électroniques : Julien Roux
Voix : Antonin Artaud, Maria Casarès, Paul Thévenin.
Durée : 1h 00
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