Spectacle. Vendredi 2 novembre, le Festival de l’Horreur et de la Mort Qui Tue touchait à sa fin. Mais le chemin de sa conclusion était encore pavé de quelques beaux spectacles, notamment les comptines trash de Madame Gimbard et une superbe représentation entre théâtre, chanson et poésie des Rim’ailleurs.

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Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue, Sur Scène – 5e Nuit - crédit photo  Barouf Menzzoto

 

  Sur la scène au décor très dépouillé, rien qu’un lampadaire à l’avant, et un guéridon à l’arrière, sur lequel sont sagement posées tasse, théière et lampe de chevet. L’ambiance feutrée est propice à la divagation vers l’imaginaire ; l’esprit se prépare à se laisser embarquer dans l’univers du conte, comme vers une moderne Cythère.

  Alors, quand entre en scène Madame Gimbard – en réalité le comédien Romain Dieudonné – on pourrait être tenté de se caler un peu mieux dans son fauteuil, en pensant assister à une plaisante et rassérénante séance de conte. Mais il n’en sera rien : le confort paisible des spectateurs sera constamment troublé par les soubresauts frénétiques et compulsifs de leurs diaphragmes, à mesure qu’ils seront victimes de l’hilarité que déclenche ce spectacle.

  Car « Les Belles Histoires de Madame Gimbard » ne sont pas tout-à-fait du même registre que celles qui ont fait la joie et la fortune des studios Disney. Tout n’y est pas forcément bien qui finit bien, et les mésaventures des pas si gentils petits animaux qui les peuplent sont volontiers trash. D’ailleurs, quand la lumière du lampadaire éclaire Madame Gimbard, on se dit qu’avec son sourire figé, elle ferait presque un peu peur, et si elle nous tendait une tasse du thé qu’elle sirote entre deux petits contes, on la soupçonnerait facilement d’y avoir glissé quelques gouttes de mort aux rats…

  Mais cette inquiétante Madame Gimbard semble avoir plutôt décidé de nous tuer à l’aide d’histoires à s’étouffer de rire, et qui ont leur lot de dénouements funèbres. Ainsi donc, l’histoire de Jean-Céline, la petite lapine, est l’occasion non seulement de prendre conscience de la complexité géopolitique des relations entre le pays enchanté des lapins, le pays des Bisounours et celui des Petits Poneys ; mais de comprendre le calvaire enduré par les animaux atteints de myxomatose. Et que dire de Spider-Spider, « l’araignée-araignée » qui donnera une dimension épique à la moindre histoire de fantôme dévastateur…

  L’univers cocasse et un peu cruel – mais après tout, les contes ne l’étaient-ils pas terriblement à l’origine ? – de Romain Dieudonné, et de sa Madame Gimbard, qui pourrait aisément s’appeler « Madame Jobard » ne siéra peut-être pas aux plus petits. Mais les plus grands, et tous ceux en âge d’en apprécier le délirant cynisme se régaleront. Le public ravi, en cette soirée du 2 novembre au Théâtre de Mon Désert, aura en tous cas eu l’occasion de faire travailler ses zygomatiques !

Poésie d’Outre-Tombe

  Pour la deuxième partie de la soirée, ce sont Les Rim’ailleurs qui prennent le relais. Le tout nouveau spectacle de ce duo lorrain à la croisée des chemins entre musique, théâtre et poésie, conçu autour du thème funèbre spécialement pour le festival, s’appelle donc : « Danses d’Outre-Tombe ».

  Une prestation ouverte par le sombre morceau Naufrage, qui commence alors que la scène est plongée dans l’ombre ; ombre dont n’émergent que la lueur d’une lampe de poche braquée sur l’assistance et un cri puissant, inquiet : « Qui est là ?! »

  L’assistance est aussitôt captivée. Encore une fois, le décor est sobre, même lorsque les lumières sont rallumées : une rose est posée sur un guéridon à l’arrière-plan. Mais au premier, seuls les instruments de Loujé et Florent Noblot étincellent. Après tout, le décor importe peu. Ce sont les mots qui retiennent l’attention et la fascinent, ces mots écrits par Les Rim’Ailleurs eux-mêmes ou empruntés à un certain Jacques Prévert. Les mots mis en musique, accompagnés tantôt d’une guitare électrique troublée, d’une guitare acoustique rêveuse ou pourquoi pas, d’un accordéon ou d’un mélodica. Qu’ils parlent de vie ou de mort, ils comportent finalement toujours de l’espoir. La noirceur n’en est pas moins présente, mais elle n’est là que pour donner plus d’éclat au reste.

  Les « Danses d’Outre-Tombe », nouveau morceau qui donne son nom au spectacle, saisissent vraiment les spectateurs aux tripes. Car les mots les interpellent ; déclamés mais pas seulement ; joués, interprétés, ils résonnent avec d’autant plus de force, rayonnent avec d’autant plus de beauté.

  Les textes et musiques, tour à tour œuvres de Loujé ou de Florent Noblot, se permettent en outre de beaux clins d’œil à des artistes tels que Léo Ferré, notamment dans le « flamenco triste » Avec Le Temps. Ils alternent aussi avec de superbes mises en musique de poèmes de l’ami Prévert, comme Aujourd’hui, le magnifique hommage rendu à Robert Desnos, dont Florent Noblot nous narre alors la tragique histoire ; ou encore la drôle et amère Chanson des Escargots Qui Vont à l’Enterrement. Le spectacle s’achève sur Arachnophilie, une dédicace expresse à la Veuve Noire, grande organisatrice du festival. Ou plutôt il s’achèverait ainsi si le public n’exigeait pas le rappel avec une ferveur impressionnante.

  Les Rim’Ailleurs reviennent alors pour l’un de leurs morceaux-phares, Le Chant des Vivants, conclusion idéale de ce spectacle où le thème de la mort ne servait finalement que de prétexte à l’exaltation de la réjouissance qu’est la vie. Il est immédiatement suivi de Raoutas, morceau-fétiche de Florent Noblot, qui prête toujours avec grâce son rire formidable à celui du nain écrit et si bien décrit par Prévert.

  Une certitude à l’issue de la représentation : les spectateurs nancéiens férus de poésie et désireux de revoir ce si rare type de spectacles tout en finesse feraient bien de très attentivement guetter le prochain spectacle des Rim’ailleurs.

 

Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue

Spectacles du 29 octobre au 3 novembre

MJC Lillebonne et Théâtre de Mon Désert

www.resurraction-2012-xxx.venez.fr

Soirée du 2 novembre 2012 :

Les Belles Histoires de Madame Gimbard, contes

Ecriture et interprétation : Romain Dieudonné

Spectacle de contes pour ceux qui ont gardé leur âme d’enfant et qui voudraient la perdre, par la Cie Histoire d’Eux.

Durée : 50 minutes

Danses d’Outre-Tombe, Chanson

Chant / Mélodica / Bandonéon : Florent Noblot

Chant / Guitare : Loujé

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