Mardi 30 novembre, poursuivant son incursion dans l'étrange Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue, l'équipe d'Ici-C-Nancy.fr a courageusement résolu d'aller braver les spectres lors du spectacle de spiritisme donné par Julien Losa au Théâtre de Mon Désert. Récit d'une sympathique soirée de hantise.
Le spiritisme. Le sujet évoque de nos jours plus généralement des légendes urbaines qu'on se raconte pour frissonner sans y croire et des adolescents s'amusant avec un jeu de Ouija, vu dans des séries télé. Mais il fut pourtant une préoccupation très sérieuse au XIXe siècle, époque où le développement des sciences poussait à s'interroger sans cesse sur la limite et l'au-delà de la perception sensorielle ; la place du surnaturel alors que la foi religieuse s'avérait toujours fervente malgré la contestation potentielle que représentait le progrès technique.
Ainsi, c'est par un bref rappel historique des circonstances entourant la naissance de la croyance spirite que le magicien Julien Losa entame son spectacle, mardi 30 octobre à 20h30. Il se plaît d'ailleurs à entretenir dans l'esprit du spectateur le doute entre scepticisme absolu et ouverture à la croyance surnaturelle, en évoquant le rôle fondamental des sœurs Leah, Margaret et Kate Fox dans la création du mouvement spirite au milieu du XIXe siècle. Celles-ci initièrent des séances de spiritisme, durant lesquelles elles prétendaient communiquer avec les morts, et furent rapidement imitées à travers toute l'Europe. Bien qu'elles confessent une supercherie à la fin du XIXe siècle, le mouvement spirite se perpétua ; la croyance en l'existence d'un lien entre le monde des vivants et celui des morts ne disparut pas. Victor Hugo, notamment, s'adonna un temps au spiritisme, après le décès prématuré de sa fille Léopoldine, qui lui inspira la partie la plus nostalgique des Contemplations.
Nous sommes immédiatement prévenus : la séance à laquelle nous allons assister pourrait remettre en question nos croyances. Mais il pourrait également s'agir de « la plus grande supercherie de toute notre vie » ! Et pour mieux ébranler les certitudes de tou-te-s les présent-e-s, Julien Losa va s'efforcer tout au long du spectacle de faire participer le plus de spectateurs possibles à ses « expériences ». A moins qu'il ait payé la moitié de la salle pour mieux tromper l'autre – ce qui s'avérerait certes pratique, mais peu rentable sur le plan économique –, les participants ne peuvent donc pas être des complices.
Nous n'entrons cependant pas de plein fouet dans la séance de communication spirite. Julien Losa semble avoir à cœur de rester pédagogique dans sa démarche. Il nous explique donc tout d'abord que les médiums spirites avaient élaboré pour détecter la présence du surnaturel toute une batterie de tests et de symboles, dont il va nous faire quelques démonstrations.
Pour chaque expérience, une personne différente est appelée sur scène. Tantôt c'est le magicien lui-même qui va chercher sa plus ou moins consentante victime parmi les sceptiques aux bras croisés de la salle. Tantôt il laisse le hasard décider en demandant aux spectateurs de se renvoyer des boulettes de papier ou de se faire passer des enveloppes. A la fois amusé-e-s et pas très rassuré-e-s, ses assistant-e-s d'un soir testent à ses côtés l'utilisation d'un pendule ; essaient de déterminer la couleur de leur aura ; apprennent qu'ils peuvent être émetteurs ou récepteurs de la communication spirite. Il est vrai que les talents du magicien sont impressionnants : il semble lire et permettre aux spectateurs de lire dans leurs pensées ; détecter l'énergie particulière dégagée par les défunts dans le monde vivant ; capable de transmettre une sensation à d'autres sans les toucher ; conférer le pouvoir de matérialiser certaines choses par le seul pouvoir de l'imagination.
Invocation ou Illusion ?
Lorsqu'il en vient donc à la conclusion de son spectacle, l'invocation d'esprits par l'intermède du registre d'un hôpital psychiatrique de 1936, déniché dans une brocante, où sont répertoriés par numéro de chambre les noms et les pathologies de 579 patient-e-s, on est à tout le moins intrigué-e-s (et toujours pas très rassuré-e-s). Pour cela, il a disposé sur un guéridon une petite clochette, et vient demander à un jeune homme et une jeune fille ayant déjà pratiqué le spiritisme au moins une fois de venir l'attacher. Ceux-ci ont pour mission de trouver un patient ou une patiente selon son numéro de chambre déterminé par le hasard, de mémoriser les informations données à son sujet, et de se concentrer de façon à l'invoquer. Les deux spectateurs lient alors les mains du magicien dans son dos à l'aide de nœuds bien serrés, puis tous trois se positionnent devant le guéridon. Le jeune homme, la jeune fille et le magicien forment une sorte de cercle, les deux spectateurs écrasant chacun un pied du magicien et posant les mains sur ses épaules pour l'empêcher de bouger. Le noir est fait dans la salle. Tout le monde retient son souffle. La clochette sonne distinctement, et tombe un ou deux mètres devant le guéridon, où on la voit continuer de tinter lorsque les lumières sont rallumées. Julien Losa essaie alors de déterminer l'identité du patient ainsi contacté. Il dit ressentir la présence d'une femme apeurée par son voisin de cellule, le fameux patient, interné pour des faits d'extrême violence envers les femmes. Il devine sans difficulté son âge et le début de son nom, mais achève l'expérience, apparemment épuisé, avant d'avoir pu donner son identité complète.
Cette conclusion s'avère à la fois frustrante pour le spectateur et fantastique : il n'est pas possible d'affirmer quoi que ce soit à l'issue de la séance ; l'assistance demeure donc dubitative. Les phénomènes auxquels elle a assisté étaient-ils réels, ou a-t-elle simplement été victime d'une astucieuse séance de manipulation mentale ? En tous cas, une chose est sûre ; elle a bien ri, Julien Losa entrecoupant ses petites expériences en territoire inconnu de l'esprit humain de blagues qui font mouche. La salle quasi-comble paraît donc ravie, et lorsque Julien Losa remercie l'organisation du festival d'avoir programmé ce spectacle refusé partout ailleurs, on songe que certains programmateurs manquent décidément de flair.
On ne saura toutefois pas en ressortant si l'on vient de vivre un moment inédit de communication avec l'Au-Delà, mais c'est en cela que le magicien a fait preuve d'une incontestable astuce. Après tout, le synonyme de « magicien » dans la langue française, n'est-il pas le terme « illusionniste » ?
Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue
Spectacles du 29 octobre au 3 novembre
MJC Lillebonne et Théâtre de Mon Désert
www.resurraction-2012-xxx.venez.fr
Soirée du 30 octobre 2012
Séance : L 'Expérience la Plus Étrange de Votre Vie (Spiritisme)
Création-interprétation : Julien Losa
A venir :
Mercredi 31 octobre, Cour de la Manufacture
15h00 : Rassemblement pour le départ d'une Zombie Walk d'1h30 à travers les rues de Nancy.
Mercredi 31 octobre, MJC Lillebonne
18h30 – 1h00 : Grande Soirée de la Mort Qui Tue
Expos, spectacles, projections, restauration.
Jeudi 1er novembre, Théâtre de Mon Désert
20h30 : « L'Inattendu » Théâtre Contemporain
22h30 : Beetlejuice, ciné-vivant animé par le collectif Project