Le Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue, dont la toute première édition s'est ouverte le 1er octobre à la Maison de l’Étudiant, va vers sa conclusion en spectacles. C'est donc au Théâtre de Mon Désert et à la MJC Lillebonne que se déroulent représentations théâtrales, ciné-concerts, conférences et même séances de spiritisme du 29 octobre au 3 novembre. A ses risques et périls, l'équipe d'Ici-c-Nancy a décidé de s'y rendre chaque soir afin de tromper la mort...

festivalmortquitue

 

 

  C'est au Théâtre de Mon Désert que les spectacles ont débuté lundi 29 octobre à 20h30, pour la dernière semaine du Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue. A 20h 35 plutôt, le temps de laisser arriver tous les retardataires, derrière lesquels les comédiens, déjà prêts à célébrer leurs Pompes Funestes, soupirent à grand bruit. Ainsi, les spectateurs peuvent dès lors s'en douter ; durant tout le spectacle, ils seront mis à contribution.

  Une fois tout le monde bien installé, le spectacle peut commencer. Les trois frères Balthazar ; Altus, Baldus et Rémus, sont eux-aussi assis sur scène, et tandis qu'Altus et Baldus jouent à la batterie et à l'accordéon une musique enjouée de fête foraine, Remus annonce l'entrée sur scène de Serge, leur frère fakir, la vedette de la troupe. Mais les cymbales ont beau résonner, l'annonce être faite sur un ton triomphal, le quatrième frère ne paraît pas. Même Betty, l'oiseau qui réjouit la troupe, semble inquiète. Et pour cause ! Le légendaire Serge Balthazar a eu le mauvais goût de choisir ce moment pour mettre fin à ses jours...

  Comment faire alors pour poursuivre le show ? Car il faut que le spectacle continue, selon la dernière volonté du défunt, seul moyen pour que la vie maintienne son emprise sur le théâtre, repoussant la mort en-dehors de la scène. Ce spectacle de clowns passera donc au crible tous les rituels funéraires : deuil, inhumation, minute de silence, héritage... Tous les aspects sociaux de la mort sont considérés et détournés dans le spectacle. Ainsi, le rire permet de désarmer le potentiel tragique du sujet funèbre.

  Il sera en outre impossible pour les spectateurs de rester passifs, confortablement installés dans leurs fauteuils. La pièce est jouée de façon à les impliquer. Ils sont interpellés, désignés, voire appelés sur scène. Le résultat est qu'il est également impossible de s'ennuyer. Durant l'heure de la représentation, petits et grands rient de bon cœur, des steaks volent, un canari en peluche est mis à mal et un spectateur disparaît. (On ne l'a pas vu ressortir...) Ainsi, peine perdue pour la Faucheuse : elle n'aura terrorisé personne ce soir, et si les corps ont tressailli dans la salle, ce n'était pas pour frissonner de peur, mais pour éclater de rire ; si les cris ont retenti, ce n'était pas pour hurler d'horreur, mais pour s'émerveiller de la beauté visuelle et sonore de ce spectacle aussi visuel que musical.

  Un premier spectacle en grandes Pompes, « emblématique de l'esprit du festival » selon la Veuve Noire elle-même.

Haxan : Modernité du Fond et de la Forme

Changement de registre pour la suite de la soirée. Le Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue, éclectique, avait décidé de programmer après ce spectacle tous publics un ciné-concert d'un tout autre genre. Haxan – La Sorcellerie à Travers les Âges, film muet réalisé par Benjamin Christensen en 1922, est pour l'occasion mis en musique par Julien Roux et Thomas Courtine.

  La projection semble hélas un peu boudée par les spectateurs ; la salle est presque vide et c'est bien dommage, tant la séance est passionnante.

  Car à voir ces images fabuleuses, puissantes, évocatrices, qui vous imprègnent l'esprit encore longtemps après la projection, on peine à croire que le film date de 1922. Le propos autant que la forme sont d'une modernité fascinante. D'une part parce que c'est sans doute l'un des plus anciens docu-fictions qui existent. Aujourd'hui la forme nous en est familière ; reconstituer une époque en recréant les décors et faisant jouer les personnages à des comédiens tout en donnant à l'ensemble l'aspect d'extrait d'archives est un procédé désormais très usité. Mais il fallait bien de l'audace pour y songer en 1922, et recréer ainsi l'atmosphère du Moyen-Age et l'oppression religieuse entraînée par la ferveur du mysticisme de cette époque sans rien édulcorer ! Ainsi, le réalisateur, Benjamin Christensen, mêle scènes du quotidien rejouées et gravures médiévales figurant des scènes de sabbat à la fois horribles et grotesques. Les effets spéciaux de l'époque, bien loin des techniques actuelles des grands studios, sont remarquables et constituent d'impressionnantes images mentales des apparitions diaboliques.

  On assiste alors, sur le plan formel, à une superbe séance d'un film étonnant de modernité, transcendant d'autant plus aisément les époques qu'il est magnifiquement servi par la bande-son réalisée par les deux musiciens. Julien Roux et Thomas Courtine ont en effet eu l'intelligence d'insérer çà et là une voix-off pour appuyer le propos du réalisateur en des moments-clefs de sa démonstration. Le thème de la folie est illustré avec un thème persistant de guitare, qui monte à la tête. La musique est tout simplement d'une beauté troublante.

  Mais surtout, c'est le discours véhiculé par le film qui fascine et déconcerte. Construit comme une conférence, Haxan – La Sorcellerie à Travers les Âges contextualise d'abord une époque médiévale sujette aux plus folles croyances et superstitions. Il expose avec force l'ancrage dans cette société d'angoisses spirituelles, notamment d'une peur irrépressible du Diable, qui pousse à voir son intervention dans la moindre maladie subite et inexpliquée. Alors, pour peu qu'une sorcière soit dénoncée au clergé inquisiteur, c'est une vraie frénésie qui s'empare de toute la ville pour débusquer les servantes de Satan. L'homme n'en est toujours que la malheureuse victime ; la femme est séductrice, tentatrice et perverse.

  Le narrateur décrit avec une précision glaciale les procédés et moyens de torture mis en œuvre pour faire avouer les malheureuses accusées. Et pour finir, il fait un rapprochement magistral entre les soit-disant preuves de l'intervention diabolique et les symptômes cliniques de cette étrange maladie qu'en 1922 on nommait l' « hystérie ».

  Ainsi, bien plus qu'un documentaire sur le sujet déjà suffisamment fascinant de la superstition et de la croyance en l'existence de la sorcellerie, Haxan est un plaidoyer véritablement féministe dénonçant les diverses formes prise par la persécution des femmes tout au long de l'Histoire, qu'elles soient jeunes ou vieilles. Toutes sont victimes d'une société répressive qui ne veut leur accorder aucune place, et pour cela ancrent l'idée d'un mal auquel elles finissent elles-mêmes par croire.

 Le résultat, qui fit scandale à l'époque de sa sortie et interdit de diffusion dans de nombreux pays, est une sublime réflexion, hélas toujours extrêmement significative en 2012, soit pourtant quatre-vingt-dix ans après sa réalisation.


Festival de l'Horreur et de la Mort Qui Tue

Spectacles du 29 octobre au 3 novembre

MJC Lillebonne et Théâtre de Mon Désert

www.resurraction-2012-xxx.venez.fr

 

Soirée du 29 octobre 2012 :

Les Pompes Funestes

Une coproduction Compagnie des O – Môm'Théâtre

Création de Greg Tuchet, Fabrice Bez, Nicolas Turon

Musique : Fabrice Bez / Scénographie : Aurélien Prost / Graphisme et décors : Pierre Galotte / Costumes : Laure Hyéronimus et Leslie Baechel

Durée : 1h00

Haxan – la Sorcellerie à Travers les Âges

Film documentaire de Benjamin Christensen, 1922

Guitare – EFX – Percussions : Julien Roux

Contrebasse – EFX : Thomas Courtine

 

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