Policier au commissariat central de Nancy, Sébastien Jacquot était présent sur l’intégralité de la 107e édition du Tour de France, compétition organisée par Amaury Sport Organisation (ASO). Sa mission pendant trois semaines, la sécurisation des sites d’arrivée à chaque étape. De Nice aux Champs Élysées, il nous raconte son expérience « grandiose » vécue à un rythme soutenu.

Dans la roue du Tour de France. C’est l’expérience inoubliable et enrichissante vécue par Sébastien Jacquot, 41 ans, policier exerçant au sein du service police secours au commissariat Lobau à Nancy. Sportif pratiquant la course à pied, maîtrisant l’anglais et l’espagnol, le Nancéien est régulièrement mobilisé lors de grands évènements dans le cadre de ses missions. Ces dernières années, il s’est d’ailleurs porté volontaire pour compléter les effectifs de police lors de sommets économiques mondiaux, dont le dernier G7 à Biarritz... 

En novembre 2020, à la suite d’un appel d’offres qu’il voit passer pour le Tour de France, troisième évènement sportif le plus regardé dans le monde, le policier se dit à « tout prix » vouloir mettre le pied à l’étrier. « C’est quelque chose qui me trottait en tête depuis un petit bout de temps, l’année dernière le tour est passé par Nancy et la ligne d’arrivée faisait partie de mon trajet domicile-travail ». Alors qu’un nouvel appel d’offres est diffusé et que les dates du tour sont avancées d’une semaine en raison de l'épreuve cyclisme des jeux olympiques de Tokyo, il se dit que « c’est l'année pour profiter de l’occasion » et il postule via un rapport et un CV, une lettre de motivation. Un rêve d’enfant. « Gamin, mon père, cycliste m’a mis le pied "au cale-pied", il m’a familiarisé avec le milieu » , dit-il la voix enjouée.

L’entretien animé en visioconférence a lieu vers le mois de décembre avec le chef de mission et l’état major de la direction centrale à Paris. Mais, la première sélection dévoilée en début d'année le fait d’abord figurer sur une liste complémentaire. C’est encore quelques mois plus tard que la crise sanitaire fait changer de braquet l’organisation de la grande boucle avec le report de deux mois du Tour de France cycliste initialement programmé du 27 juin au 19 juillet. Entre-temps, certains policiers sont devenus indisponibles, Sébastien Jacquot est sélectionné. 

« 240 KILOMÈTRES PARCOURUS À PIED LORS DES TROIS SEMAINES DU TOUR DE FRANCE »

Pour la première fois, aussi lointain qu’on s’en souvienne à l'hôtel de police de Nancy, c’est un Nancéien qui est détaché pour exercer ses fonctions lors du Tour de France. Une mission de terrain qui l'engage à répondre à toute menace sur le Tour et prévenir tous les risques. Pour la Grande Boucle, ils sont douze policiers dont Christophe Urien, commissaire à Elbeuf (Seine-Maritime) et chef de la Mission Police sur le Tour de France. Parmi eux, des policiers venus des quatre coins de l’hexagone originaires de Mâcon (Saône et Loire) de Bordeaux, Poitiers, région Parisienne, Angers, Caen... 

En immersion dans le tumulte du Tour

Equipés de quatre véhicules dont trois véhicules sérigraphiés, les policiers sont dotés d'ordinateurs, d'imprimantes ou encore de moyens de communication. La première étape, le 28 août 2020, à Nice donne le rythme des trois semaines à venir. Les fonctionnaires (tous testés négatifs au Covid-19) sont répartis en deux groupes. Neuf d’entre eux évoluent comme caravaniers avec une activité ambulante ou au sein de la caravane publicitaire. « Eux, doivent sécuriser tous les abords du tracé à la fois pour le public, gérer les mouvements sociaux qui pourraient avoir lieu et sécuriser la caravane en elle-même », poursuit-il. 

TDF Police3

Les 12 policiers retenus pour participier à la "Mission police" lors de la 107e édition du Tour de France / photo DR

 

Sébastien Jacquot fait partie quant à lui des trois « précurseurs » officiants en uniforme sur la zone d’arrivée. Avec son binôme déjà expérimenté à cette compétition, ils restent en contact permanent avec le troisième officier œuvrant au centre de coordination dont le rôle est d’être en liaison avec les différentes directions départementales qui sont traversées par l’étape.

Sur le terrain, le policier nancéien gravite sur la ligne d’arrivée, mais aussi la zone de vie, les zones techniques, le centre de presse. Chaque jour avec son binôme, le capitaine Fabrice Raynaud policier au commissariat de Carcassonne, il doit s’approprier chaque zone d’arrivée pour pouvoir aiguiller les spectateurs, repérer les zones de cisaillement afin d’empêcher les piétons de traverser. Ses missions sont diverses, il doit s’assurer de l’échanteité du dispositif du barriérage, assister parfois la société privée en contrôlant les badges et accréditations, recevoir les plaintes des suiveurs du tour notamment lors qu’un véhicule est vandalisé... Quelques fois encore, identifier des pickpockets et les intercepter ou encore intervenir pour des utilisations illégales de fumigènes. 

Hebergés dans des hôtels et des centres de vacances parfois situés à une heure ou deux heures de route de l’étape, la journée de ces policiers débute toujours très tôt par une réunion de sécurité mêlant les autorités locales et s’achève tard un peu avant 23h. Une amplitude de travail d'une quinzaine d'heures. 

TDF Police 2 Le Tour de France au sein de la Mission Police / photo DR

 

La Covid-19, l’épée de Damoclès qui a plané sur les 3 484 km de course

Pour cette édition particulière s'inscrivant dans un contexte sanitaire inédit c’est bien sûr le virus de la Covid-19 qui a imposé son lot de mesures strictes comme la mise en place de huis clos, la réduction de la jauge des spectateurs... Dès le début du tour, le ton de cette grande boucle singulière est donné dans les Alpes-Maritimes à Nice territoire classé « en zone rouge » pour la virulence de circulation du virus. Sur les routes du tour, le public est parfois tenu à distance selon différents scénarios « comme sur le mont Aigoual où je suis contraint de demander au public, parfois installé la veille au soir, de quitter la zone d’arrivée » ou bien au Grand Colombier aussi « où l’on a dû évincer du monde alors que l’arrêté avait été pris le matin même ». Mais, le public reste amical. 

À chaque étape dans cette lutte contre la pandémie, une équipe Covid-19 distribuent du gel et des masques siglés tour de France et multiplie les consignes sanitaires aux spectateurs. Un protocole strict matérialisé également dans l'organisation logistique par un système de « bulles » pour limiter drastiquement les interactions sociales. Ainsi, les équipes sont cantonnées dans une « bulle course » protégée pour éviter d’introduire le virus dans le peloton. Au bord des routes, moins de public et des règles sanitaires radicales. « Bien-sûr, ça m’a marqué, j’ai toujours vécu le tour de France comme un spectateur et l’ambiance je m’y attendais du coup. Avec la Covid-19, elle n’était pas celle que je m’étais représentée, un sentiment partagé aussi mes collègues qui ont vécu d’autres éditions ». 

Le « Road Book » comme livre de chevet, 240 kilomètres parcourus à pied...

Ses étapes préférées ? « Les étapes de montagne » et surtout l'arrivée au col de la Loze, au-dessus de Méribel. « On a pu y accéder difficilement même en voiture avec des pentes sur certaines portions à 24 %, c’était impressionnant », commente Sébastien Jacquot. Des images qui lui reviennent en mémoire, « C’est surtout le futur vainqueur à son arrivée qui finit dans les dix premiers . À peine la ligne d’arrivée franchie, il vacille sur son vélo et il est rejoint par son assistant, il s’écroule quelques minutes au sol, il est blanc, livide, il ne bouge plus. On se dit qu’il est vraiment allé au bout de lui même. Et pourtant, il lui en reste sous la pédale puisque quelques jours plus tard il gagne à la Planche des Belles Filles et c’est là qu’il reprend le maillot à son compatriote », raconte-t-il avec passion.  

Lors de cette étape de contre-la-montre à la Planche des Belles Filles en Haute-Saône, le policier est plongé en immersion. Son véhicule suit la voiture du directeur sportif du belge Tiesj Benoot leader de la team Sunweb, « À ce moment-là, on est devenu des spectateurs privilégiés avec la proximité immédiate d’un coureur et on a vécu l’évènement de l'intérieur. Jusqu'à contrôler le chrono. Lui, a pu rattraper le coureur parti devant lui. Nous, nous avons été rétrogradés derrière deux véhicules de course et une autre de police, car nous avions consigne de ne pas dépasser de coureur », ajoute-t-il. Se remémorant « Une journée particulière avec un public plus nombreux et le retour des touristes étrangers ». 

L’étape des Champs-Élysées du Tour de France constitue l’ultime étape du Tour de France avec le sacre du jeune Slovène Tadej Pogacar. Après trois semaines, six régions et 32 départements visités, c’est la fin de la mission pour Sébastien Jacquot et l’ensemble des policiers. Au compteur de la montre connectée du Nancéien les chiffres s’emballent, il a parcouru comme son binôme, « 240 km kilomètres à pied sur les 21 étapes ». Une sérieuse expérience physique. « On en ressort lessivé, mais l’expérience est largement compensée » . 

Police Nat54 Sébastien Jacquot de retour au commissariat central de Nancy / photo ICN.fr

Dans ses valises, quelques souvenirs, « Le Road book », véritable outil de travail au quotidien abordant l’ensemble des tracés, profils, les plans de départ ou encore les prévisions des horaires. Mais aussi, le fameux écusson du Tour de France blanc et jaune, que s’arrachent les collectionneurs, que Sébastien Jacquot accrochait à la manche de son uniforme. « C’est devenu le témoin de notre participation au tour de France. C’est aussi le petit souvenir matériel et un sentiment d’appartenance », commente-t-il. 

Alors quel adjectif pour qualifier ce tour de France ? « Grandiose » assure le Nancéien sans hésitation. « On rencontre des gens qu’on ne rencontre pas forcément, c’est un monde qui qui fourmille. ». Surtout, le fonctionnaire a pu constater l'image positive de la police auprès du public qui applaudissait les forces de leur police à leur passage. Avec un sentiment de fierté non dissimulé. « Ça donne du baume au cœur ». 

Et le Tour de France 2021 ? Si le policier nancéien rêve de participer une nouvelle fois à la Grande Boucle, sa candidature restera assujettie à l’acceptation du plan local et de l'avis du directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) qui avait déjà validé son départ.

En attendant, il gardera un œil attentif et curieux sur le parcours du Tour de France 2021 dont l'itinéraire complet doit être dévoilé cette semaine par Christian Prudhomme, directeur du cyclisme à ASO. La plus célèbre course cycliste du monde passera-t-elle cette année par la région Grand Est ? Au commissariat central de Nancy, Sébastien Jacquot a déjà son avis sur la question. Des informations officieuses, mais pas encore officielles... Fin du suspense dans quelques jours, le verdict est attendu ce jeudi 29 octobre 2020.

  
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