Un troupeau de cinq chèvres de Lorraine issues de l'Espace animalier du Parc de la Pépinière ont pris leurs quartiers au sein du cimetière du Sud. Des nouvelles "recrues" déployées dès ce printemps et jusqu'à l'automne pour lutter contre la Renouée du Japon, une plante asiatique invasive au développement incontrôlable.
Des chèvres qui foulent un large espace d'un hectare dévorant à leur passage de jeunes pousses à l'aspect inoffensif, le tintement des clochettes, une étable en bois, une image ô combien bucolique qui ne serait pas si insolite si nous n'étions pas proche du très passant boulevard Barthou et son grand rond-point du parc des expositions, et que cet espace si verdoyant se révélait être dans l'enceinte d'un cimetière.
S'inscrivant dans le cadre d'un projet d'écopâturage, la parcelle 33 du vaste cimetière du Sud accueille en effet depuis mercredi 6 avril 2022, cinq chèvres de Lorraine, une race caprine locale, ainsi qu'un enclos en bois pour les abriter en cas de mauvais temps. Une initiative qui a pris racine avec l'objectif bien précis de concilier faune et flore pour le bien de la biodiversité avec l'idée de faire participer naturellement ces herbivores dans la perspective d'éradiquer une plante invasive nommée la renouée du Japon. Cette herbacée vivace qui sévit en France comme en Lorraine a pour conséquence la multiplication de massifs pouvant atteindre jusqu'à trois mètres de hauteur et occupe des secteurs toujours plus importants en raison de leur souche rhizomateuse se propageant dans la terre et capable de percer de l'asphalte.
Une croissance incontrôlable qui nécessite des efforts particuliers et un désherbage mécanique pour limiter sa propagation. Si la loi « Labbé » a interdit aux collectivités l'usage des pesticides chimiques de synthèse pour l'entretien des espaces verts comme dans les cimetières depuis janvier 2022, la Ville de Nancy avait bien anticipé cette mesure en expérimentant d'autres solutions. L'an dernier, la municipalité nancéienne s'était rapprochée de l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie et des Industries Alimentaires (ENSAIA) pour mettre en forme l'expérimentation au cimetière du sud.
Un travail passionnant et « assez chronophage pour dresser l'état des lieux et connaitre la flore présente sur le terrain » souligne Stéphane Jurjanz, Maitre de conférence et enseignant à l'ENSAIA qui a piloté le projet dès 2021 avec un groupe de neuf étudiants de première année. Des élèves très attentifs qui ont d'abord entrepris de compiler les dernières connaissances en la matière sur la base d'une bibliographie et de nouer différents contacts avec des municipalités et des associations comme l'association des amis de la Chèvre de Lorraine afin de constituer des propositions sur la mise en place du cheptel, mais aussi d'appréhender l'évolution de la renouée du Japon, détaille de son côté Guillemette Jeanneteau, étudiante en deuxième année à l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie et des Industries Alimentaires.
« C'est une belle expérience » qualifie unanimement élus et les participants à ce projet. « Si l'on utilise la mécanique pour déterrer les petites plantes, ici ce sont les chèvres locales qui vont nous aider. Les espèces invasives sont l'une des grandes causes de l'effondrement de la biodiversité » commente Dahman Richter, Conseiller délégué aux droits et bien-être animal et à la biodiversité. Concernant l'organisation au quotidien, ce sont les gardiens du cimetière qui surveilleront l'enclos et veilleront à ce que tout se passe bien, ils seront également formés par les agents de l'espace animalier.
L'idée de cet écopâturage pourrait-elle essaimer et s'étendre dans d'autres cimetières de Nancy ou de la métropole ? Pour l'instant, l'heure est à l'expérimentation, le cimetière du Sud constituant un écrin idéal pour ce type d'initiative avec une concentration d'espaces verts plus importante que sur les autres cimetières de l'agglomération où la minéralité domine... Et pour cause, le cimetière du Sud abriterait autant d'arbres qu'au sein du parc de Pépinière, affirment Dahman Richter et Chantal Finck, conseillère déléguée à l'administration des cimetières à la ville de Nancy.
EN IMAGES :
La chèvre de Lorraine, une race caprine locale - photo ici-c-nancy
L'enclos a été installé l'an dernier, il provient du jardin éphémère de Nancy de 2020 intitulé Terre ou Désert - photo ici-c-nancy
Les chèvres n'ont pas tardé à se mettre à l'ouvrage - photo ici-c-nancy