TÉMOIGNAGE. Nancy a célébré dimanche 15 septembre les 80 ans de sa Libération. Gilberte, présente lors de la cérémonie place Stanislas, avait seize ans en 1944 lorsqu'elle a assisté à l'arrivée des troupes US. Elle nous raconte.
En Vidéo. Le témoignage de Gilberte Tardy née Beugnot. Vidéo à regarder sur notre page YouTube.
Le 6 juin 1944, 156 000 soldats américains, britanniques et français débarquent sur les plages de Normandie, il faudra attendre le 25 août pour la Libération de Paris puis la date du 15 septembre 1944 pour voir Nancy libérée à son tour du joug allemand.
L'arrivée de ces libérateurs entraîne partout une atmosphère de joie. Une liesse populaire encore intacte dans les souvenirs de Gilberte Tardy née Beugnot.
Cette charmante et pimpante nonagénaire, habitante de Nancy, était présente dimanche 15 septembre Place Stanislas à la cérémonie civile et militaire. À 96 printemps, malgré les tourments et les affres d'une vie avec la perte de ses trois fils, Gilberte ne s'est jamais départie de son lumineux sourire. Dans sa veste rose, arborant un vernis à ongles impeccable, elle nous raconte avec émotion et la mémoire vive, l'occupation nazie et l'immense soulagement apporté par les Américains lors de la Libération. En 1944, elle avait seize ans, elle y assistait, non pas à Nancy où elle étudiait, mais à Varangéville où elle vivait avec sa famille .
"Nous étions, nous les jeunes, éblouis par la prestation physique des soldats qui avaient des uniformes bien taillés " raconte-t-elle. Ils nous disaient "Hello", "on pouvait avoir des chewing-gums et ô miracle des savonnettes toutes blanches alors que pendant la guerre nous avions pour nous laver des savons à base de sable, c'était rugueux, désagréable . Nous pouvions aussi avoir des chocolats américains et des cigarettes, mais je ne fumais pas".
Des souvenirs encore très présents "ça n'est pas inénarrable, puisque j'en parle mais c'est quelque chose d'extrêmement profond. C'est comme si ça s'était passé hier. Aujourd'hui, lorsque je vois ces commémorations, ça me fait chaud au cœur", nous confie d'elle.
"Nous avons toujours eu un esprit patriote à la maison, mes parents n'avaient pas de moyens, mais nous avions un poste de radio, on écoutait Londres et il fallait faire très attention car ceux qui étaient dehors pouvaient entendre et dénoncer. Il y avait entre les Français cette distance, même avec les voisins".
Elle se souvient aussi du chant des partisans "(qu')on ne le chantait pas seulement avec son cœur, mais avec ses tripes" affirme-t-elle avec ferveur.
Durant la guerre, en tant que "patriote" elle avait fait le souhait de faire quelque chose pour servir pour la collectivité. "Je faisais partie d'une association théâtrale qui s'occupait de faire des représentations de façon à récolter des fonds pour envoyer depuis Saint-Nicolas-de-Port des colis aux prisonniers. Tout le monde venait aux alentours aux séances de théâtre. Il n'y avait rien d'autre pendant l'occupation, il n'y avait que des cinémas avec des films allemands", poursuit-elle.
"Aujourd'hui je ne suis plus rien, mais auparavant à la Libération j'étais la reine des prisonniers à Saint-Nicolas-de-Port. J'avais un rôle assez important, outre le thêatre, il y avait un comité pour envoyer les colis aux prisonniers". Très impliquée, elle fût même élue "la reine des prisonniers" avec deux demoiselles d'honneur. A l'occasion d'un événement festif, à Saint-Nicolas, le maire Marcel WENCK avait permis à Gilberte de participer à un événement en présence du général de corps d'armée français, François de Linarès. "Étant la reine, il m'a invité et nous avons ouvert le bal" . "À l'époque c'était assez extraordinaire", conclut-elle, les yeux pétillants.