En plein débat de la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic », Estelle Mercier, députée de la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle (PS) appelle ce lundi 17 mars à donner plus de moyens à la justice et alerte sur le projet de construction de la nouvelle cité judiciaire de Nancy « au point mort ».
En Vidéo. Estelle Mercier, Députée de la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle (PS)
L’Assemblée nationale examine, cette semaine et à partir de ce lundi 17 mars, une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le narcotrafic en France. Le texte, porté par Éric Pauget (LR), Vincent Caure (Renaissance) et Roger Vicot (PS) entend doter la justice et les forces de l’ordre de nouveaux moyens pour s’attaquer aux grandes organisations criminelles. Mais, les débats s’annoncent houleux entre nécessité d’efficacité et respect des libertés fondamentales.
Ce lundi matin, Estelle Mercier, députée de la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle (PS) est revenue sur cette proposition de loi visant à sortir la France « du piège du narcotrafic » lors d'une conférence de presse à sa permanence nancéienne.
Inspirée d’un rapport du Sénat, la proposition de loi vise à corriger une approche jugée trop limitée du combat contre le trafic de drogue en allant pénaliser les têtes de réseaux. « Cette loi elle est extrêmement importante, elle vise à sortir la France du piège du narcotrafic », affirme Estelle Mercier, députée de la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle.
Parmi les mesures phares, la création d’un parquet national anti-criminalité organisée (PNACO), sur le modèle du parquet national antiterroriste. Une instance spécialisée visant à instaurer un traitement judiciaire plus efficace des affaires les plus complexes et transnationales. En complément, un service chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée ou état-major serait mis en place pour centraliser et coordonner les services de police, de douanes et de renseignement et permettre une information partagée. Parmi les autres dispositions, le renforcement des dispositifs de lutte contre le blanchiment, notamment grâce à un dispositif de fermeture administrative des commerces soupçonnés de blanchiment (article 3) et l’accès direct des douanes aux données des opérateurs de transport et de logistique.
Certaines dispositions controversées sur les libertés publiques
Si la nécessité d’un renforcement législatif fait consensus plusieurs mesures du texte suscitent des inquiétudes et des « points d'attention » . La question du secret des communications a notamment provoqué des débats. Un amendement visant à permettre aux enquêteurs d’accéder aux messageries cryptées via une porte dérobée a été rejeté en commission des lois. « Si on ouvre une porte, on l’ouvre pour tout le monde, y compris pour les narcotrafiquants », alerte Estelle Mercier. Malgré ce rejet massif, Gérald Darmanin pourrait tenter de réintroduire cette mesure en séance.
Autres points de friction, la création d'un dossier coffre qui permettrait de stocker des informations recueillies durant l'enquête, mais qui ne seraient pas transmises aux avocats ou encore l’extension du régime des repentis. Le projet prévoit d’assouplir les conditions d’octroi du statut, avec la possibilité d’une exemption totale de peine, y compris pour des crimes de sang. « Cela pose un problème moral et éthique. Même l’Italie, qui est un modèle dans la lutte contre la mafia, ne va pas aussi loin », souligne la députée.
L’un des ajouts les plus controversés est la création de quartiers de sécurité renforcée pour les narcotrafiquants présumés les plus dangereux. Inspirée du modèle italien du carcere duro (de l'italien prison dure), cette mesure prévoit un isolement strict des détenus pendant quatre ans, avec des restrictions sévères sur les contacts familiaux et les visites d’avocats. « C’est un régime plus dur que pour les terroristes, et il pose de graves questions en matière de droits humains », prévient Estelle Mercier.
Cette disposition a déjà été critiquée par le Conseil d’État pour son caractère potentiellement anticonstitutionnel. « Quelle est la finalité de la peine ? Si on coupe totalement ces détenus du monde extérieur, que fait-on d’eux lorsqu’ils sortent ? », interroge la députée.
Vers un rééquilibrage du texte ?
Si la proposition de loi a été votée le 4 février dernier sans difficulté au Sénat, son passage à l’Assemblée nationale s’annonce plus compliqué. De nombreuses modifications ont été apportées au texte initial, notamment sous l’impulsion du gouvernement, ce qui a poussé certains rapporteurs à s’abstenir en commission. « Nous sommes à l’origine de cette loi, nous en partageons l’objectif. Mais en l’état, certaines mesures sont trop attentatoires aux libertés fondamentales », justifie la députée.
Le débat parlementaire des prochains jours sera donc crucial pour rééquilibrer le texte. « Nous espérons pouvoir voter cette loi, mais elle ne doit pas être un simple outil de communication. Elle doit garantir une justice efficace, sans sacrifier nos principes démocratiques », déclare encore la députée qui appelle à un véritable plan Marshall pour la justice. « On sait aujourd'hui que les moyens de la justice et de la police sont engorgés par les petits délits du quotidien et les petit trafics dans les quartiers.». « À Nancy, il faut désormais 3 ans pour juger un dossier criminel. Les 150 magistrats annoncés pour la rentrée, dont certains pour la JIRS de Nancy, ne sont pas des renforts réels. On ne forme pas un magistrat en quelques mois ! » explique Estelle Mercier.
Le vote définitif est prévu pour le 25 mars.
Le projet de la Cité judiciaire de Nancy au "point mort"
Ce lundi, la députée Estelle Mercier est revenue sur l’échange qu’elle avait eu avec le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, lors de la séance de questions au gouvernement du 12 mars. L’élue alertait sur le manque de moyens de la justice et l’inaction du gouvernement quant à la construction de la nouvelle cité judiciaire de Nancy sur l’ancienne friche industrielle Alstom. Un projet acté depuis 2019 mais aujourd’hui au point mort.
Lors de son allocution dans l’hémicycle, Estelle Mercier a rappelé la situation préoccupante du tribunal judiciaire de Nancy : des délais de jugement qui s’allongent jusqu’à trois ans pour les dossiers criminels, un manque d’au moins dix magistrats, et des conditions de travail indignes pour les professionnels de la justice. « La justice se rend grâce à l’engagement sans faille des magistrats, des greffiers et des assistants, dans des salles minuscules, en sous-sol et dans un bâtiment où il pleut. Est-ce digne d’une grande démocratie ? » a-t-elle interrogé devant l’Assemblée.
Alors que la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Nancy joue un rôle clé dans la lutte contre le narcotrafic, elle souffre d’un cruel manque de moyens. « La justice a besoin d’un véritable plan Marshall », a martelé la députée, exigeant des réponses claires sur les investissements promis pour la cité judiciaire.
Un flou budgétaire et des déclarations contestées
Face à ces interpellations, Gérald Darmanin a assuré qu’un effort substantiel était prévu : 150 magistrats supplémentaires affectés aux JIRS et au futur parquet national anti-criminalité organisée, dont une quarantaine dès septembre 2025. Quant à la cité judiciaire, le ministre a affirmé que son coût était estimé à 120 millions d’euros et que l’achat du terrain par la ville était encore en attente.
Ces affirmations ont immédiatement été contestées par Estelle Mercier, qui dénonce des informations erronées. « D’abord, Gérald Darmanin n’a jamais contacté le maire. Ça fait un mois qu’on essaie d’avoir un rendez-vous avec lui », affirme-t-elle, ajoutant que contrairement aux propos du ministre, ce n’est pas à la ville mais bien à l'APIJ (l'Agence Publique pour l'Immobilier de la Justice ) d’acheter le terrain. Autre point d’achoppement : le financement du projet. « Quand il a annoncé 120 millions d’euros, c’est faux. Seuls 45 millions d’euros sont réellement prévus pour la cité judiciaire de Nancy », précise la députée, redoutant que les arbitrages budgétaires du gouvernement ne viennent sacrifier ce projet au profit d’autres priorités. Pour l’instant, la métropole de Nancy a rempli toutes ses obligations : le terrain est prêt, les appels d’offres pour la dépollution ont été lancés, et il ne manque plus que l’achat par l’État pour lancer les travaux. Mais tant que cette acquisition n’a pas lieu, rien ne peut avancer.
Et maintenant ?
Alors que Gérald Darmanin a promis de revenir vers les élus au plus vite pour discuter de l’ensemble des projets de cités judiciaires en France, l’incertitude demeure quant à l’avenir de celle de Nancy. « Nous allons continuer à nous battre », assure Estelle Mercier, déterminée à obtenir des garanties pour ce projet essentiel. « Nous allons suivre cela de très près. »
Alstom dans le quartier Oberlin - crédit ici-c-nancy.fr