Un coup de filet majeur a été réalisé dans la lutte contre le narcotrafic à Nancy et ses environs. Après près de deux ans d’enquête, les forces de l’ordre ont mis un terme aux activités d’un réseau organisé opérant dans plusieurs quartiers populaires de la métropole du Grand Nancy. Quatorze individus ont été interpellés et des saisies conséquentes ont été effectuées.
En Vidéo. François Capin-Dulhoste, procureur de la République de Nancy, Frédéric Laissy, contrôleur général, directeur interrégional de la police national et Régis Peiffer, délégué syndical de Un1té.
Les forces de l'ordre viennent de frapper un grand coup dans le milieu de la drogue. Après près de deux ans d’enquête, les policiers viennent de réaliser un important coup de filet la semaine dernière permettant le démantèlement d’un important réseau de trafic de stupéfiants opérant sur la métropole du Grand Nancy. Les faits ont été dévoilés ce lundi 10 février 2025, lors d'un point presse au Tribunal judiciaire de Nancy par François Capin-Dulhoste, procureur de la République de Nancy, accompagné de Frédéric Laissy, contrôleur général, directeur interrégional de la police national et de Carole Despres, Commissaire divisionnaire, chef de service Interdépartemental de Police Judiciaire de Meurthe-et-Moselle (SIPJ 54).
Lundi 3 février, une vaste opération de police judiciaire a été menée sur commission rogatoire d’un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Nancy à la suite d'une enquête préliminaire de longue haleine démarrée en 2023 puis d'une information judiciaire contre X lancée en mai 2024. Coordonnée par les enquêteurs de la DCT, de la DCOS (anciennement PJ) et du GIR Lorraine, cette intervention a mobilisé près d’une centaine de policiers, notamment des unités spécialisées comme le RAID de Nancy et de Strasbourg et la BRI de Metz.
Les perquisitions, menées principalement à Laxou, Nancy et Maxéville, ont permis la découverte de 57 kg d’héroïne, 33kg de produits de coupe, 326 grammes de cocaïne et 49 grammes de résine de cannabis. En plus des stupéfiants, les forces de l’ordre ont saisi près de 100 000 euros dont 9 000 euros sur des comptes bancaires, plusieurs montres de luxe et des armes, deux révolvers chargés, dont un fusil Sten classé comme arme de guerre, a détaillé François Capin-Dulhoste, procureur de la République de Nancy .
Un hall d'immeuble à Maxéville / photo ici-c-nancy.fr
Un réseau de malfaiteurs bien structuré
L’enquête a révélé un trafic organisé, structuré autour de points de deal stratégiques, notamment rue de la Mortagne à Laxou. Là, les stupéfiants étaient revendus au détail et en semi-gros à des consommateurs et revendeurs. L’héroïne y était proposée entre 8 et 20 euros le gramme selon la qualité, tandis que la cocaïne se négociait à 50 euros le gramme.
Les enquêteurs ont également mis hors service deux laboratoires d'assemblage et de conditionnement, situés à Nancy et dans la commune de Moivrons. Ces sites servaient à couper et à préparer l’héroïne avant sa distribution. Le réseau alimentait non seulement la métropole nancéienne, mais aussi d’autres communes de Meurthe-et-Moselle ainsi que les départements voisins de la Meuse et des Vosges.
Compte tenu des quantités saisies et des infrastructures révélées, ce trafic très lucratif devait générer "plusieurs milliers d'euros par jour", évalue Frédéric Laissy, directeur interrégional de la police national.
Un des deux laboratoire démantelés par les policiers de la DIPN 54 - source photo DIPN 54/ TJ de Nancy
14 interpellations et des mises en examen
Au total, 14 personnes (11 hommes et deux femmes) ont été arrêtées et placées en garde à vue. Le plus jeune des mis en cause est un jeune homme de 18 ans, la plus âgée est une femme de 33 ans, tous sont originaires de la métropole du Grand Nancy et de Moivrons (54). La moitié était connue pour des faits de stupéfiants.
À l’issue des auditions, 13 suspects ont été déférés devant le juge d’instruction. Parmi eux, 7 ont été placés en détention provisoire, 5 sous contrôle judiciaire et un dernier sollicitant un délai a été incarcéré en l'attente d'une décision ce mardi 11 février. Ils sont poursuivis pour trafic de stupéfiants en bande organisée, infraction à la législation sur les armes, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs.
Toutes les cibles n'ayant pas été interpellées, les investigations se poursuivent. Dans l'attente et face à l’ampleur du réseau, les autorités locales et les forces de l’ordre ont renforcé dès cette semaine les opérations anti-drogue, notamment via des contrôles accrus qui ont donné lieu à une douzaine d'interpellations liés à des points de deal de moindre ampleur.
Un dispositif qui se poursuivra encore ces prochains jours sur le secteur du plateau de Haye pour lutter contre toute tentative de réimplantation de trafic.
Les syndicats de police saluent une belle opération, mais demandent plus de moyens pour agir contre le narcotrafic
Une « belle affaire » saluée de concert par les deux syndicats de police Alliance 54 et Un1té 54 qui ont félicité tour à tour les enquêteurs et les policiers intervenants tout en réclamant davantage de moyens matériels et le renforcement de leurs rangs pour agir contre le narcotrafic.
Pour Régis Peiffer, délégué syndical de Un1té, le manque d’effectifs policiers et notamment d'officiers de police judiciaire rend difficile la lutte contre un marché en pleine expansion.
La Meurthe-et-Moselle et plus localement le territoire de la métropole du Grand Nancy n'échappent pas au narcotrafic où il s’est massivement développé, avec des points de deal présents dans les quartiers, les immeubles d’habitation, les logements sociaux, les Airbnb, les parcs et même les bois. « Le trafic de stupéfiants est partout », déplore Régis Peiffer. L’héroïne, autrefois marginale, connaît un regain d’intérêt en raison de son prix en baisse et de son accessibilité aux populations précaires voire aux SDF. « C’est devenu la drogue du pauvre, avec pour ceux qui la consomme une addiction très forte ».
Dans ce contexte, les trafiquants s’adaptent aux nouvelles tendances et développent des stratégies commerciales agressives, jouant sur les prix et la qualité des produits. Certains points de deal affichent même leurs tarifs sur les murs des appartements, ajoute Régis Peiffer.
L’augmentation des points de deal a également des conséquences directes sur la criminalité locale. Le développement du trafic engendre une criminalité connexe : cambriolages, règlements de comptes et agressions liées aux dettes de stupéfiants.
Face à l’ampleur du phénomène et cette « pieuvre » tentaculaire, le syndicat Un1té réclame davantage d’effectifs, des outils technologiques adaptés et une réflexion approfondie sur la politique pénale. Pour le syndicat, « la tâche est immense », mais l’urgence est de reprendre le contrôle des quartiers et de protéger les habitants qui, pour certains, vivent dans la peur.