rrrA l’occasion de la présentation à Nancy de son tout nouveau film, Les Adieux à la Reine, sur les écrans le 21 mars prochain, Benoît Jacquot a bien voulu répondre à nos questions...

 

 

 

Loin des fastes somptueux du ballet-rock de Sofia Coppola, qui retraçait la vie tour à tour protocolaire et libertine de Marie-Antoinette à la Cour de France, Benoît Jacquot filme dans les derniers jours de Versailles un moment de bascule où s’exaltent les passions et les sentiments. Soit la fin de la monarchie, perçue par Sidonie, jeune lectrice de la Reine, qui lui voue une admiration sans bornes.

 

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le livre de Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine (éditions du Seuil), et donné envie de l’adapter ?

Benoit Jacquot : C’est la concentration de temps et de lieu habité par un seul point de vue : celui de la petite lectrice de la reine, qui est tout près de la reine, mais qui malgré tout ne voit pas ce qui se passe réellement. Elle le sent, y vibre, mais n’en a pas vraiment la compréhension. Du coup, ce qui m’intéresse moi, c’est de décrire des situations dont on connaît la fin, (puisqu’évidemment on sait comment tout ça s’est poursuivi) au travers d’un point de vue affolé et aveuglé. Cela renforce, accentue ce que j’essaie de produire, c’est-à-dire un sentiment très présent d’une situation passée et connue. Comme si on était là, dans ce château, à suivre cette petite et à voir ce qu’elle voit ou ce qu’elle ne voit pas ; à savoir ce qu’elle sait ou ce qu’elle ne sait pas.

 

Justement le personnage de Sidonie Laborde, à l’origine, c’est une vieille femme, et vous en avez fait une toute jeune fille, toute troublée. Qu’est-ce que la métamorphose du personnage apportait au film ?

Benoit Jacquot : Pour moi c’était très important parce que je voulais rendre sensible une espèce d’ingénuité, d’innocence, de méconnaissance, d’aveuglement. Il fallait que ce soit une toute jeune femme, qui ait encore en elle, de façon très sensible pour un spectateur d’aujourd’hui, quelque chose de l’enfance. En fait, ces trois journées la font passer à l’âge adulte. Comme souvent dans mes films… 


Et du coup, qu’est-ce qui vous a plu chez Léa Seydoux par rapport à ce rôle ?

Benoit Jacquot : Elle est en plein dedans ! Dans la vie, physiquement et personnellement elle est dans cet état là : elle a un pied dans cette toute jeunesse qui confine à l’enfance et un pied dans un monde qui est celui des adultes, et elle hésite encore beaucoup entre un monde et l’autre.

 

Au niveau du casting, face à la jeune lectrice qui est jouée par Léa Seydoux, il y a la duchesse de Polignac qui est interprétée par Virginie Ledoyen. Le personnage de Léa Seydoux rappelle un peu celui de Marianne dans La Vie de Marianne, qui était jouée par Virginie Ledoyen, toute jeune aussi…

Benoit Jacquot : Elle était encore plus jeune, oui, elle avait 17 ans…

 

C’est donc un choix conscient, cette sorte d’écho qui se répercute de l’une à l’autre ?

Benoit Jacquot : Oui ça je le sais, et même elles, elles le savaient. Il y a un passage de témoin qui est assez cruel et assez émouvant. Mais enfin Virginie est assez solide pour assumer ça…

 

Toujours à propos du casting : Comment s’est imposée l’idée de confier le rôle de Marie-Antoinette à Diane Krüger ?

Benoit Jacquot : Pour commencer, cette Reine, on l’appelait « l’Autrichienne » ou « l’Etrangère », donc je tenais beaucoup à ce que ce soit une actrice étrangère, qui ait à peu près le même âge que Marie-Antoinette à l’époque ; c’est-à-dire la petite trentaine. J’ai pensé à plusieurs actrices, parmi lesquelles il y avait évidemment Diane. Et puis elle a immédiatement montré un tel désir d’interpréter ce personnage que c’était parfaitement irrésistible ! Dès le moment où je l’ai vue et on en a parlé, c’était acquis. Pour elle, interpréter ce rôle au moins une fois, c’était presque vital en raison de tout un tas de signes : sa mère s’appelle Marie-Thérèse, elle a à peu près le même âge, elle a la même origine que Marie-Antoinette… Un tel appétit de jouer ce rôle, forcément, il aurait fallu que je sois très tordu pour prendre quelqu’un d’autre !

 

C’est la première fois que vous travaillez avec elle. Vous avez pourtant une certaine fidélité avec certaines actrices, vous aimez les retrouver ?

Benoit Jacquot : Oui, l’actrice pour qui c’est le plus frappant pour moi, c’est Isabelle Huppert, puisque j’ai fait un film avec elle, au départ, quand elle avait 25-26 ans, et je l’ai retrouvée il y a 3-4 ans. Je crois que tous les metteurs en scène sont un peu comme ça. J’aime retrouver des visages et des corps d’actrices ou d’acteurs de loin en loin, comme des rendez-vous amoureux ou amicaux.

 

Et pour le Roi, comment avez- vous choisi Xavier Beauvois ?

Benoit Jacquot : Encore une fois c’est lui qui l’a voulu. Je le connais bien, depuis longtemps. On voyage parfois ensemble pour aller montrer des films. On était l’un à côté de l’autre dans un avion six mois avant le tournage. J’étais en train de travailler à mon scénario et ça a dû l’énerver ! A un moment il a pris mon scénario et il m’a dit : « Maintenant c’est moi qui le lis et on en parle après ». Et il le lit, en effet, en deux heures. Mais après au lieu de m’en parler, il était en train de traficoter son portable. Alors il me montre ce qu’il était en train de faire : il avait inscrit son visage dans un portrait de Louis XVI trouvé sur internet, et il me dit « C’est moi et personne d’autre.».  

Au final, il est très bien. On peut le trouver incongru parce qu’il le fait à sa façon, qui est très singulière, mais je trouve qu’elle a quelque chose d’humain. On l’appelait « le Roi Bourgeois ». Tout ça le dépasse mais en même temps il a une certaine allure… Et surtout il a l’air tellement incongru, c’est un couple tellement improbable que celui de Diane Krüger et Xavier Beauvois !

 

Dans un livre récemment sorti et qui vous est consacré, (http://livre.fnac.com/a3806149/Xavier-Lardoux-Le-cinema-de-Benoit-Jacquot) on apprend que vous avez des origines lorraines ?

Benoit Jacquot : Oui, eh bien, il y a une rue Jacquot à Nancy, non ? Avec une statue ? C’est un de mes ancêtres. Il y a aussi, dans la rue qui mène à la place Stan, un chapelier je crois, qui a l’air d’être là depuis bien longtemps : eh bien c’est un Jacquot aussi. Toute ma famille paternelle vient d’ici.

Mon grand-père était déjà assez âgé quand j’étais petit, c’était un ancien officier, je ne l’ai pas très bien connu. Donc la première fois que je suis venu à Nancy c’était pour filmer le festival de théâtre pour la télévision, en 1973. Je ne devais pas avoir plus de vingt ans, je n’avais encore même pas fait de film pour le cinéma !

J’ai habité à Nancy durant le temps du festival, juste assez de temps pour sentir la ville. Je l’aime énormément. Il y a quelque chose dans cette ville qui me touche beaucoup. Je suis allé dans beaucoup d’endroits du monde, mais la place Stan, pour moi c’est l’un des plus beaux lieux qui soient.

Concernant la mise en scène vous jouez beaucoup sur le déséquilibre, que ce soit dans le cadre, le personnage qui se casse beaucoup la figure, la focale qui joue sur le flou, les lumières qui sont diffuses ou alors éclatantes…

Benoit Jacquot : C’est très voulu et à force d’être voulu il s’en passe même plus que ce qu’on a voulu. Mais ça devient un état permanent d’instabilité, de désorientation, de faux-pas constants qui est le symptôme, le signe d’un affolement généralisé, dans un protocole qui est sans doute le plus réglé qu’il y ait jamais eu au monde. Et c’est ce qui m’intéressait : cette brutalité, cette disruption.

 

Mais du coup c’est un film sur le déclin d’un monde, sur la perte, sur le sentiment amoureux ?

Benoit Jacquot : Je ne sais pas si c’est un film sur quelque chose, mais c’est un film qui est traversé par tout ça. C’est un film sur une situation de naufrage, ça c’est sûr. Ca se passe dans ce contexte-là, dans cette situation historique-là, avec ces personnages-là… Je ne sais pas. J’aurais pu le faire autrement, j’aurais pu prendre le Roi et ses deux frères par exemple, et les suivre pour voir ce qui se passe… Mais ce n’est pas mon truc : je préfère suivre les filles que les garçons !

Propos recueillis par Raphaëlle Chargois

Les Adieux à la Reine, de Benoit Jacquot avec Léa Seydoux, Diane Krüger, Virginie Ledoyen, Julie-Marie Parmentier de la Comédie Française, Xavier Beauvois, Noémie Lvovsky… D’après le roman de Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine, éditions du Seuil. Sortie le 21 mars 2012.

 

crédit photo :  abc

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