Douze ans après Baise-moi, alors co-réalisé par Coralie Trinh Thi, Virginie Despentes repasse derrière la caméra pour adapter un autre de ses romans à succès, Bye Bye Blondie. Un film présenté comme « pouvant heurter la sensibilité », qui raconte pourtant une simple histoire d’amour, à fleur de peau et a contrario des conventions...
Les années 80. Des adolescentes en plein émoi. Le punk. Des parents qui se heurtent à la rébellion de leurs filles. Un décor de banlieue triste. Le rejet, la peur. L’hôpital psychiatrique. Et puis finalement, au moment le plus inattendu, l’amour qui jaillit, comme ça. Irrépressible, intense, hors-normes.
Telle est l’histoire de Gloria et Frances. Deux jeunes filles qui s’aiment à seize ans, en dépit de la réprobation du monde qui les entoure. Qui trouvent dans l’identité et dans l’émulation du mouvement punk la compréhension de leurs personnalités borderline. Les parents de Gloria « ne savent plus quoi faire d’elle » ; ceux de Frances la rêvent diplômée d’une grande école. La première vient de quartiers désolés aux intérieurs fournis de meubles préfabriqués, la seconde d’un milieu bourgeois où l’on ne comprend pas sa fascination pour David Bowie. La première, de l’avis général, est perçue comme « une calamité » quand la seconde est dépeinte comme une jeune fille pleine d’avenir.
Les nombreux obstacles dressés sur leur chemin par le monde adulte finissent par les séparer. Jusqu’au jour où Frances, devenue star de la télévision, débarque à Nancy pour récupérer Gloria, où celle-ci vit toujours à contre-courant et d’expédients…
Ainsi, ce que filme Virginie Despentes dans Bye Bye Blondie, en dépit de sa réputation sulfureuse, c’est en réalité une intense histoire d’amour. Aussi, il apparaît difficile de comprendre pourquoi ce film est précédé d’un avertissement aux mineurs, dont il pourrait apparemment « heurter la sensibilité ». Représenter l’amour au cinéma, en-dehors de toute convention, aurait-il de quoi choquer les esprits ? Est-ce donc à dire qu’en 2012, l’amour est une notion si intolérable, si révolutionnaire ?
Ce qui est d’ailleurs frappant chez Virginie Despentes dans Bye Bye Blondie, c’est cette capacité à faire exister l’anticonformisme de ses personnages. Si la Société les refuse, si on les marginalise sans cesse, c’est bien parce que Frances et surtout Gloria n’entrent dans aucun moule préconçu ; n’acceptent pas le chemin de vie pré-défini qui leur est tracé. A la fois en revendiquant leur appartenance au mouvement punk, pour qui l’esprit de groupe et le présent priment, face au mépris de la multitude et à l’absence de futur. Et puis encore parce que leur homosexualité dérange. Même aujourd’hui, dans leur vie d’adulte. Même de nos jours alors que Frances et Gloria se retrouvent, celle-là ne voulant pas passer pour « la gouine de la télé » quand celle-ci ne comprend pas le monde de compromissions dans lequel sa bien-aimée a choisi de vivre.
Le face à face Emmanuelle Béart / Béatrice Dalle détonne. Notamment parce que Virginie Despentes ne se contente pas d’utiliser ce couple de stars saphique comme substitut à un couple hétérosexuel classique ; parce qu’elle ne leur fait pas reproduire des stéréotypes. Ici il y a deux personnalités fortes, qui s’attirent, qui se repoussent, qui s’aimantent, qui se démentent, au fil des périodes et des âges. Il est capital alors de souligner que le duo Soko / Clara Ponsot, qui incarnent les jeunes Gloria et Frances sont tout aussi remarquables que leurs aînées. Et c’est pourquoi leur idylle est si passionnante : il semble impossible de ne pas s’attacher à ces deux jeunes filles en butte à un système qui ne les reconnaît pas, et de ne pas comprendre la passion qu’elles vivent dans l’effervescence de ce refus, entre Béruriers Noirs et bagarres, entre asiles psychiatriques et postes de police.
Il est toutefois dommage que la vie parisienne impitoyable de Frances, pour laquelle l’électron libre Gloria ne possède aucun atome crochu, soit présentée de façon si attendue, presque caricaturale.
Il n’en reste pas moins un film rock et punchy, secouant bon nombre de clichés avec poigne au rythme d’une excellente bande-son, couvrant quatre décennies de rébellion musicale des Bérus aux Babyshambles et leur hymne au nom évocateur : Fuck Forever.
Notre avis :
Drame (01h37min) - Date de sortie : 21/03/2012
De Virginie Despentes
Avec Emmanuelle Béart, Béatrice Dalle
Gloria et Frances se sont rencontrées dans les années 80. Elles se sont aimées comme on s'aime à seize ans : drogue, sexe et rock&roll. Puis la vie les a séparées, et elles ont pris des chemins très différents. Vingt ans après, Frances revient chercher Gloria...