CRITIQUE- En cette période de rentrée scolaire sort un très beau film à propos d’un enseignant atypique dans une école en deuil. Un film chargé d’émotions qui réussit à atteindre un impressionnant équilibre en traitant plusieurs thématiques très fortes. A voir absolument.

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  C’est l’hiver à Montréal, et pourtant la froideur la plus rude n’est pas celle qui règne au-dehors, dans le paysage enneigé, mais celle qui glace les esprits et les cœurs. Dans une école primaire, au milieu de la classe, la mort a jailli, brutale, imprévisible, cruelle : une institutrice dépressive, Martine Lachance, s’est pendue. Le personnel éducatif, à commencer par la directrice, ne sait pas comment gérer ce désastre ni épargner le traumatisme aux enfants. C’est alors que surgit Bachir Lazhar, dont le nom signifie « Annonciateur de bonnes nouvelles » et qui prétend avoir vingt ans d’expérience de l’enseignement derrière lui.

  Mais ce « Monsieur Lazhar », dont les méthodes d’enseignement et les références sont jugées vieillotes, cache lui-aussi plusieurs secrets. Un deuil lui ronge le cœur, et, parce qu’il est en situation d’exil, son salut suspendu à la décision d’un juge de lui accorder ou non le statut de réfugié politique, il lui est impossible d’en parler.

  Alors, contre l’avis de l’administration scolaire, contre celui des parents d’élèves, qui tous font peser un tabou phobique sur le suicide de Martine Lachance, Bachir Lazhar va pousser les enfants à prendre la parole, à s’exprimer sur le drame. Et ainsi, les deux deuils se répondant en écho, la parole se voudra libératrice.

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Monsieur Lazhar- photo DR

  Monsieur Lazhar est un film rare, un film comme on aimerait en voir plus souvent. Car traitant en parallèle plusieurs sujets délicats, qui chacun pourraient donner lieu à des films à thématiques fortes, comme la mort en général et le suicide en particulier ; la guerre ; l’immigration et l’intégration ; l’éducation ; le choc des cultures ; il ne s’enlise dans aucun d’entre eux. A aucun moment, le film ne cède à la tentation du pathos ; il ne sombre jamais dans la facilité de l’appel aux bons sentiments. Il reste toujours équilibré dans son propos ; refuse de faire des uns les bons et d’autres les méchants ; et ce même quand il est perceptible que le réalisateur, Philippe Falardeau, aborde une problématique qui lui tient particulièrement à cœur. Monsieur Lazhar touche juste parce qu’il est sensible, humain, et ainsi, particulièrement émouvant.

  D’un film qui fait se renvoyer en écho le suicide d’une enseignante à bouts de nerfs et les conséquences dramatiques de la Guerre d’Algérie dans un pays qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’a pas encore pansé ses plaies ; on aurait eu de nombreuses raisons de craindre une certaine lourdeur. Ou tout du moins une quelconque forme de didactisme moralisateur. Il n’en est rien. La subtilité avec laquelle la thématique du deuil est abordée par la caméra de Philippe Falardeau ne constitue pas la moindre de ses marques de finesse, voire même, osons le mot, de grâce. Car cette caméra ne se situe jamais dans le démonstratif : tantôt elle souligne les silences, valorisant la portée bouleversante d’un simple geste ; tantôt elle s’efface derrière les personnages, leur solitude, leur détresse parfois, leur profondeur constante.

  A ce titre, d’ailleurs, il faut louer la qualité du jeu des comédiens exceptionnels, à commencer par l’interprète principal, Fellag, qui porte le personnage de Bachir Lazhar à fleur de peau. Tout en retenue, il lui suffit d’un rien pour cueillir le spectateur au plus profond de son être. Ainsi y a-t-il sûrement, dans ce très beau film qu’est Monsieur Lazhar, quelque chose du pouvoir de catharsis qu’Aristote prêtait au théâtre antique, et qui résonnera dans chacune des fibres de tout spectateur qui ira le voir (préalablement équipé d’un bon paquet de mouchoirs en papier).

  Et que dire des enfants, Simon et Alice, incarnés par Emilien Néron et Sophie Nélisse, si ce n’est que la maturité de leur jeu surprend, achevant de toucher au plus profond ?
 C’est aussi indéniablement grâce à eux que Monsieur Lazhar se révèle un film à la fois si intelligent et si émouvant, assurément le coup de cœur de cette rentrée cinématographique.

 

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Monsieur Lazhar

Comédie dramatique (01h35min) - Date de sortie : 05/09/2012

De Philippe Falardeau

Avec avec Fellag, Sophie Nélisse, Emilien Néron, Danielle Proux… D’après la pièce Bachir Lazhar d’Evelyne de la Chenelière.

A Montréal, Bachir Lazhar, un immigré algérien, est embauché au pied levé pour remplacer une enseignante de primaire disparue subitement. Il apprend peu à peu à connaître et à s’attacher à ses élèves malgré le fossé culturel qui se manifeste dès la première leçon. Pendant que la classe amorce un lent processus de guérison, personne à l’école ne soupçonne le passé douloureux de Bachir, qui risque l’expulsion du pays à tout moment.

 

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