Discret jusqu’au bout, Michel Piccoli nous a quittés le 12 mai à 94 ans, mais c’est seulement ce 19 mai que son ami, Gilles Jacob, ex-président du Festival de Cannes, nous a appris sa disparition. Le temps sans doute pour la famille d’accompagner discrètement l’acteur à sa dernière demeure.
Fils d’un violoniste et d’une pianiste, Michel Piccoli poursuivit la tradition artistique de la famille en révélant très tôt sa passion pour la scène. Incorporant la compagnie Renaud-Barrault, il enchaina les pièces et bientôt les films. Avec une boulimie de textes qui, en 1952, le rendit capable d’enchainer cinq pièces et quatre films. Et ce, en imposant d’emblée son physique italien. Haute taille, allure imposante, regard de braise et voix forte. Une présence, quoi.
Autre atout : le choix sans faute de ses réalisateurs ou metteurs en scène. Car il fallait de l’instinct pour alterner comme il le fit français et étrangers.
Parmi les premiers : Claude Sautet (5 films avec Romy Schneider dont « Les choses de la vie »), Louis Malle (« Milou en mai »), Claude Chabrol (« Les noces rouges »), Jean Renoir (« French Cancan »), Alain Resnais (« La guerre est finie »), Jean-Pierre Melville (« Le doulos »), et Jacques Demy (« Les demoiselles de Rochefort ») où il était Monsieur Dame amoureux de Danielle Darrieux qui, à 103 ans aujourd’hui, lui survit.
Quatre fois nommé : aucun César
Parmi les seconds : Luis Buñuel (6 films dont « Le journal d’une femme de chambre » avec Jeanne Moreau), Godard (« Le mépris » avec Bardot), Ferreri («La grande bouffe » avec Noiret), Youssef Chahine (« Adieu Bonaparte » avec Patrice Chéreau), « Habemus papam » de Nanni Moretti et Manoel de Oliveira (« Belle toujours » avec Bulle Ogier).
Outre ce choix sans faille, l’indéniable qualité de Michel Piccoli c’était de transcender ses personnages. D’en faire plus qu’ils n’étaient. Meilleur exemple : « Max et les ferrailleurs » de Sautet en 1971. L’histoire d’un policier maquillé en homme d’affaires qui utilise Lily (Romy Schneider), l’amie de Max, pour faire tomber une bande de ferrailleurs sans importance. Et qui, à sa propre surprise, tombe amoureux de Lily au point d’abattre son chef (François Périer) qui voulait incarcérer Lily avec les autres. Un drame qui va crescendo où Piccoli, dépassé par ses sentiments, révèle tout ce qu’il cachait. Fascinant et magistral.
C’est cet immense acteur-là qui part en nous laissant près de 150 films. Er beaucoup de regrets. Car, quatre fois nommé aux César, il ne remporta jamais la statuette. Honte à nous et à l’Académie !
Fiona Franchi