Société. Les 34e assises nationales de l’Aide aux Victimes co-organisées par la fédération France Victimes et l’association France Victimes 54 se déroulent ces 4 et 5 novembre au Centre de congrès Prouvé, à Nancy, sur le thème : « De l’aide à la protection des victimes ». Nos questions à Jérôme Moreau, vice-président et porte-parole de la fédération France Victimes. 

Les Assises nationales de France Victimes se déroulent les 4 et 5 novembre au Centre Prouvé à Nancy. Pouvez-vous nous rappeler les missions de France Victimes et nous expliquer comment vont s'articuler ces deux journées autour du thème retenu cette année qui est « de la protection à la prévention ». 

France Victimes est le réseau national de l’aide aux personnes victimes, touchées par une infraction pénale et notre fédération regroupe 130 associations sur tout le territoire marin et ultra-marin. Le 116 006 est aussi le numéro national d’écoute des victimes que nous portons. 

Nous accompagnons près de 400 000 victimes par an, tant sur le plan juridique, que psychologique ou social. Premier réseau français et l’un des leaders au niveau européen, nous sommes à disposition de toute personne qui a subi un préjudice. Nous accompagnons les personnes de manière gratuite, confidentielle, neutre. 

Durant ces deux journées, nous allons voir examiner, de manière précise, comment nous sommes passés d’une vision d’aide à celle de protection des personnes. Nous observerons aussi les pratiques des territoires pour assurer un fort déploiement des dispositifs de protection comme le téléphone grave danger, les boutons d’alerte, les victimes concernées par les bracelets anti-rapprochement par exemple. 

Nous avons aussi créé une application numérique, sur le web, « mémo de vie », en direction des femmes victimes de violences, mais aussi pour les personnes touchées par le harcèlement. L’évolution des prises en charge, aujourd’hui, plus que jamais, est qu’une victime ne doit plus rester seule. 

« Nous demandons une augmentation des budgets consacrés à l’aide aux victimes à hauteur de 40 millions pour l’année 2022. Le gouvernement doit faire ce pas. »

Jérôme Moreau, vice-président et porte-parole de la fédération France Victimes.

Ces dernières années, pour lutter contre le fléau des violences qu’elles soient conjugales ou encore intra-familiales, les autorités ont accéléré le déploiement de dispositifs de protection en temps réel tels que les téléphones Grave Danger (TGD), les bracelets Anti-Rapprochement (BAR) qui s’accompagnent aussi de mesures de protection ou de prise en charge psychologique pour aider les victimes avec des places en hébergement d’urgence. Ces avancées permettent-elles d’envisager un changement de paradigme, quel est le regard de la fédération France Victimes sur le chemin parcouru ? 

L’ensemble des nouveaux dispositifs, principalement empruntés à l’Espagne qui a fait un travail de plus de 10 années sur cette question, constitue une avancée significative et salutaire pour les victimes. 

Pour moi, l’enjeu principal est aujourd’hui de disposer de suffisamment de moyens pour les mettre en œuvre et nous demandons une augmentation des budgets consacrés à l’aide aux victimes à hauteur de 40 millions pour l’année 2022. Le gouvernement doit faire ce pas. 

L’autre enjeu est celui de la levée du silence, de l’omerta, sur différentes violences qui déroulent dans la sphère privée et familiale. La culpabilité et la peur doivent changer de camp. 

Actuellement, les TGD et les BAR sont l’exemple même d’une nouvelle approche de la violence au sein de la famille, mais beaucoup reste à faire. Si aujourd’hui, une inclination vers une meilleure protection semble se dessiner, le chemin est encore long et toutes les victimes ne sont pas suffisamment protégées comme en témoignent les tristes chiffres des mortes au sein du couple ou les victimes de harcèlement. En tout état de cause, la mise en lumière des différentes violences par les médias a fortement contribué à ce changement de paradigme qui reste encore en germe et à construire pour un certain nombre d’infractions. 

Depuis le Grenelle des violences conjugales, le gouvernement porte une attention particulière au déploiement de mesures de protection, aux moyens de lutte contre les violences, à l’ordonnance de protection attribuée par un juge aux affaires familiales... Le cadre législatif doit-il encore être durci ? 

Il faudrait déjà que la loi soit applicable et appliquée partout et pour toutes les victimes. Avant de durcir ou de réfléchir sur des inflexions législatives, le droit doit être appliqué avec force et vigueur sur le territoire français. 

Trop peu d’ordonnances de protection sont prononcées par les tribunaux, trop peu de mesures d’éloignement sont ordonnées et surtout, il y a des délais, dans certaines situations, qui sont trop longs. Une des avancées les plus significatives, en matière de violence au sein du couple, est la possibilité offerte aux magistrats de désigner un administrateur ad hoc pour les enfants au cours de l’audience pénale afin qu’il soit représenté par un tiers, cela doit conduire à ce qu’il prenne conscience, qu’en pareille situation, il est aussi une victime. 

Le Grenelle a mis en lumière les difficultés et a tenté de trouver des solutions. Encore faut-il encore une fois que les moyens suivent. L’enjeu actuel est l’application stricte de la loi et surtout que les victimes soient conscientes qu’elles peuvent être accompagnées par le réseau. 

Plusieurs études dont une enquête de l’IFOP pour la Fédération nationale Solidarité Femmes violences conjugales dévoilée au printemps 2021, ont établi un impact de la crise sanitaire avec l’exacerbation des tensions et des violences, mais aussi que les victimes subissant des violences ne sont encore que 10 % à déposer plainte. Quel regard portez-vous sur ces chiffres ? 

C’est évident et ces chiffres ne laissent aucun doute au regard du nombre de femmes que nous accompagnons depuis le 1er confinement. Il était logique que le confinement allait favoriser malheureusement les violences familiales. On a enfermé l’auteur et la victime pendant deux mois, sans que ces derniers puissent avoir un sas de sortie. C’est une situation très dure qui a été constatée et je dois aussi la mettre en parallèle avec les violences commises sur les enfants qui sont de même constat. 

Il faut répondre à cela et c’est tout l’objet de notre travail, à France Victimes, que de pouvoir développer des actions et des prises en charge à tout moment. Cela va prendre du temps, car nous savons la complexité des victimes à lever le silence. 

Un mot de conclusion… 

Pour conclure, je dirai deux choses : 

- Tout d’abord, que l’aide aux victimes arrive à un moment charnière de son mouvement à savoir que la mobilisation des professionnels, qui travaillent au quotidien, porte ses fruits et que beaucoup d’entre elles, qui passent par nos associations, sont bien accompagnées, protégées et ce, de manière aujourd’hui globale et massive. 

- Deuxièmement, les violences faites aux femmes et celles commises sur mineurs, à caractère sexuel ou non, constituent un enjeu pour les générations futures, car si on ne fait rien, dans 10 voire 15 années, nous les retrouvons soit victimes, soit auteurs. Il faut donc arrêter les phénomènes de transfert de génération en génération. La société doit aussi prendre un engagement pour que chaque victime ne soit plus seule. 

Après avoir traité de la question de l’aide à la protection, il faudra s’engager sur un second thème de réflexion à savoir « de la protection à la prévention ». Lorsque nous en serons là, le défi de l’aide aux victimes sera relevé. 

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