Résumé du film : Bertrand, vole l’ultime manuscrit d’un écrivain mourant, puis endosse la paternité de cette pièce de théâtre et son succès. Harcelé par son éditeur qui exige un nouveau livre, il s’enfuit. À Annecy, il rencontre Eva, prostituée de luxe qui, elle aussi, cache un secret.
Après Josef Losey, qui en confia le rôle-titre à Jeanne Moreau en 1962, Benoît Jacquot adapte à son tour le thriller de James Hadley Chase sur la relation trouble entre un imposteur et une manipulatrice.
Avez-vous relu ce roman noir de J.H. Chase avant de l’adapter avec Gilles Taurand ?
Benoit Jacquot : Pour l’adapter, Gilles l’a lu, moi je ne l’ai pas relu. Car j’en avais gardé un souvenir précis lors de ma lecture à 14 ans en me disant « j’en ferais bien un film ». En revanche, avant de tourner, je l’ai relu à la demande d’Isabelle Huppert qui, elle, découvrait le roman. Car elle y avait trouvé des éléments dont elle me demandait de me servir pour son rôle.
À quel imposteur pourrait-on comparer le Bertrand de votre film joué par Gaspard Ulliel ?
Le plus approchant serait sans doute Alain Delon dans « Plein soleil ». Car Bertrand s’est construit lui-même un piège dont il essaie de sortir. À savoir l’usurpation d’une pièce à succès lui apportant aisance et renom. Pour que cette existence continue, il doit produire. Donc, écrire. Or, il ne sait pas.
La scène de vol du manuscrit est impressionnante dans cet appartement proche du métro...
Au début ce devait être un flash-back. Et c’est Gaspard Ulliel qui m’a suggéré de mettre la scène au début. Comme une clef de son personnage. Scène qui révèle aussi ce fabuleux acteur anglais, Christian Erickson.
Auquel des deux acteurs principaux avez-vous songé d’emblée ?
Dès le départ, je savais que ce serait avec Gaspard Ulliel. Un acteur extraordinaire qui peut faire ce que beaucoup d’acteurs sont actuellement incapables d’après moi. À savoir manifester une ambiguïté permanente. Un mystère. On ne sait jamais s’il va vous embrasser ou vous tuer. S’il est hostile ou amical. Bref, il est constamment dans la division. Et montre ici une complexité remarquable.
Et pourquoi Isabelle ?
Isabelle Huppert c’est presque un automatisme. À chaque film que j’entreprends, je me demande si ça n’est pas pour elle. Cela dit, j’ai songé à d’autres actrices, pour revenir finalement à elle. Car c’est l’une des rares actrices qui, plutôt qu’une carrière, a construit une œuvre. Seules Isabelle, Catherine Deneuve et Jeanne Moreau ont fait ça.
Le roman se passe à New York, alors pourquoi Annecy ?
Parce que j’y ai présidé le jury d’un Festival de films italiens et beaucoup parcouru la région pendant huit jours. La concentration de lieux très divers dans ce périmètre m’a fait penser que ça se prêterait bien à ce que j’imaginais. Car il y a l’eau, la neige, les montagnes, le casino, les palaces et la qualité de lumière. Tout convenait.
Changement de région également pour votre prochain film ?
Oui. Ce sera Londres où se passe un épisode des « Mémoires de Casanova ». Lieu, d’après lui, du seul « râteau » de sa carrière amoureuse. Avec Vincent Lindon en Casanova et la jeune Stacy Martin. On tourne dans un mois.
