SANTÉ. En France le niveau de risque de propagation du coronavirus SARS-CoV-2 a été relevé au stade 2, correspondant au stade « très élevé ». Nos questions au Professeur Christian Rabaud, infectiologue et président de la Commission Médicale d’Établissement du CHRU de Nancy.

Emmanuel Macron a présidé samedi un Conseil de Défense et un Conseil des ministres exceptionnels pour faire le point sur le coronavirus. En France, le niveau d’alerte a été relevé à 2. La France cherche à freiner l'expansion du coronavirus sur son territoire avec des mesures comme l'annulation des rassemblements « en milieu confiné » de plus de 5 000 personnes.

Interview du Professeur Christian Rabaud, infectiologue et président de la Commission Médicale d’Établissement du CHRU de Nancy.


 

Quels sont les symptômes du Covid-19 dans ses formes les plus courantes et les plus sévères ? 

Pr. Christian Rabaud : Il existe des formes asymptomatiques jusqu’aux plus graves comme la détresse respiratoire aiguë. Globalement, la cible du virus est essentiellement pulmonaire, à partir de ce moment-là, il y a des signes de tous types. Le champ des pneumopathies, avec des patients qui toussent à minima et qui vont guérir rapidement et spontanément et puis les gens chez qui l’atteinte pulmonaire va être plus importante avec une atteinte de l’état général et éventuellement une détresse respiratoire aiguë. Le signe d’appel c’est la fièvre et l’atteinte de la sphère pulmonaire, ce qu’on appelle le respiratoire bas, tout ce qui touche les poumons et les bronches. 

Prenons le cas d’une personne revenant d’une zone d’exposition sans symptôme. Quelle est la marche à suivre ? 

L’idéal est de ne rentrer en contact avec personne pendant 14 jours. Dans tous les cas de limiter les contacts, de ne pas se rendre où il y a beaucoup de gens et de ne pas fréquenter des lieux où sont présents des gens fragiles comme les hôpitaux, les maisons de retraite, les crèches. De privilégier des mesures comme le télétravail...

Pour éviter la contagion, beaucoup se tournent vers les masques de protection. Conséquence, certaines pharmacies font face à des ruptures de stock. Ces équipements sont-ils réellement utiles ? 

C’est utile, suffisant, ce n’est pas sûr, nécessaire c’est certain, mais il ne s’agit pas d’un équipement spécifique au coronavirus. Si tous les ans, on respectait un certain nombre de mesures d’hygiène comme celle des mains, probablement on atténuerait le nombre de cas dans les épidémies de grippe. Le constat est le même dans une épidémie de coronavirus. Pour ces équipements de protection communément appelés « masques », il existe quelques confusions sur leur fonction. En l’espèce, il faut distinguer le « masque chirurgical » des « appareils de protection respiratoire ». Le masque chirurgical est un masque porté par la personne malade destiné à ne pas contaminer les autres. Sa fonction anti-projections ne filtre pas forcément les petites particules, mais va permettre que vous ne puissiez pas émettre de sécrétions, c’est une barrière qui protège l’environnement.

À l’inverse, si on est face à quelqu’un de malade et qu’il peut y avoir des virus en suspension, à ce moment-là on met des choses plus élaborées que le simple masque chirurgical, à savoir « un appareil de protection respiratoire » plus adapté et qui colle davantage au visage. C’est ce qu’on appelle par abus de langage, des masques FFP2, ils sont destinés eux, à se protéger soi-même d’une éventuelle contamination par un tiers. « Nous sommes passés d’un cas suspect par jour en lien avec la Chine à 10 cas suspects par jour et ils concernent à 80 % des patients de retour l’Italie. ... »Pr. Christian RABAUD, infectiologue et président de la Commission Médicale d'Etablissement du CHRU de Nancy

Les vacances scolaires s’achèvent avec pour conséquence de nombreux retours de vacances, quelle est la situation au CHRU de Nancy ? Avez-vous noté une hausse des consultations et attendez-vous un pic dans les jours à venir ?

Nous avons eu peu de cas jusqu’à environ il y a une dizaine de jours. Il s’agissait de patients de retour de Chine essentiellement, mais depuis le week-end dernier et indépendamment du retour de vacances, le fait que l’Italie soit touchée a fait augmenter de façon significative le nombre de requêtes. Nous sommes passés d’un cas suspect par jour en lien avec la Chine à 10 cas suspects par jour et ils concernent à 80 % des patients de retour l’Italie. À présent, il faut compter d’autres zones à risques comme l’Oise et la Haute Savoie plus proches. La situation va évoluer en fonction de la situation épidémiologique générale...

Le CHRU de Nancy, désigné hôpital de référence dans le Grand Est comme Strasbourg, dispose de moyens techniques particuliers comme des chambres d’isolement et peut effectuer des tests de dépistage du coronavirus... 

Les tests ont été mis en place pratiquement depuis le début, au 5e jour de l’épidémie, selon une technique développée à l’Institut Pasteur. Au départ, il fallait envoyer les prélèvements à l’institut Pasteur, cela prenait 4 heures de route pour l’aller, c’était assez long. Depuis la semaine dernière, nous proposons ces tests à Nancy tout comme Strasbourg et d’autres importantes villes de France. Nous sommes certains d’avoir le résultat dans la journée.

En quoi consiste ce test ?

C’est un prélèvement réalisé avec un écouvillon — sorte de gros coton-tige — dans les fosses nasales et si la personne le peut, on lui demande de produire un crachat. Il ne s’agit pas de salive, la sécrétion doit émaner des poumons. On analyse ensuite le crachat et le prélèvement dans le nez avec une technique qu’on appelle PCR, c’est-à-dire qu’on amplifie le virus pour le voir. Un acte très spécifique permettant non seulement de déterminer la présence d’un coronavirus, mais du coronavirus actuellement impliqué le SARS-CoV-2 .

Une procédure simplifiée...

Nous avons simplifié la procédure, maintenant lorsque quelqu’un est suspect, on le fait venir, on le prélève et si son état le permet on le laisse repartir tout de suite avant d’avoir les résultats en lui demandant de porter un masque et de rester chez lui jusqu’au résultat. On essaye de ne pas « embouteiller l’hôpital » par des gens dont l’état ne nécessite pas de rester. La prise en charge est moins lourde qu’au début, où l’on plaçait systématiquement les cas suspects en hospitalisation. Mais, il y a maintenant plus de sollicitation et la charge de travail, elle ne baisse pas. 

Qu’est-ce qui doit déclencher une venue à l’hôpital ? 

Normalement rien ne doit déclencher une venue à l’hôpital, s’il y a un doute il faut appeler le 15. Ce que l’on veut surtout c'est éviter la venue aux urgences d’un patient potentiellement atteint au milieu de la salle d’attente, qui pourrait diffuser le virus. Le message reste donc le même, si vous avez un doute parce que vous avez de la fièvre, vous avez l’impression d’avoir une infection pulmonaire et que vous revenez d’une des zones d’exposition comme la Chine, la Corée du Sud, l’Iran, les trois régions d’Italie et maintenant les deux clusters français à savoir la Haute Savoie et l’Oise, vous appelez le 15. Si les doutes se confirment, on vous adresse un plan par courriel, la conduite à tenir, vous devrez donner votre numéro d’immatriculation pour entrer et on vous apportera un masque. On vous fera monter par un ascenseur particulier et vous ne traverserez pas tout l’hôpital. Tout est organisé, parfaitement procéduré, mais cela nécessite un contact préalable. On ne peut pas se rendre spontanément à l’hôpital en cas de suspicion de coronavirus. 

Ce risque de contagion est évoqué dans une interview diffusée dans Le Parisien du 26 février du professeur Éric Côme, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à Paris à la Salpétrière dans laquelle le professeur alerte déjà sur une aggravation possible au sein des services des urgences...

Vous avez le cas à l’hôpital Tenon à Paris. Un patient est arrivé aux urgences, il ne venait pas d’une zone à risque et n’était pas suspecté d’être porteur du coronavirus. Il a été pris en charge sans mesure particulière et aujourd’hui il y a trois membres du personnel qui sont eux-mêmes infectés par le coronavirus. D’où l’importance de redire que bien sûr, il y a des mesures corona, mais ces mesures devraient être appliquées beaucoup plus largement chez toute personne qui a de la fièvre et qui tousse. 

On parle d’une létalité plus forte pour le coronavirus qu’une simple grippe saisonnière. Quid des populations les plus concernées ?

Ce sont les personnes les plus fragiles, immunodéprimées, personnes âgées... On est dans une létalité qui avoisine les 2 %, c’est ce qu’atteint la grippe certaines années, mais un virus peut muter dans un bon comme un mauvais sens. La problématique du coronavirus c’est l’absence de vaccination, personne n’est pour le moment protégé et ne dispose d’anticorps. Sans cette barrière de vaccination, il faut mettre en place des mesures barrières comme le lavage des mains.  

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