Rencontre cinéma. Programmé dans les salles de cinéma mercredi 22 novembre 2017, le film Le Brio réalisé par Yvan Attal est une comédie dramatique sur le racisme dont l’action se déroule à l’université Paris II Assas. Rencontre avec l'équipe du film.

Pour son 7e film, Yvan Attal n’a pas choisi le titre le plus original, mais ses deux personnages principaux, eux, rivalisent de brio dans l’art oratoire. À savoir Daniel Auteuil en prof de droit un brin réac. Et Camélia Jordana en étudiante offensive. Tous deux embarqués dans un concours d’éloquence.
Comment avez-vous peaufiné ce scénario qu’on vous avait proposé ?
Yvan Attal : Je le trouvais un peu mièvre, mais l’histoire m’avait touchée. Je l’ai donc réécrit avec les scénaristes initiaux. Car cette histoire, c’est un peu la mienne. Je suis né en Algérie, j’ai grandi à Créteil et pas dans une famille qui m’a donné des livres ou emmené à l’Opéra. Mais au cours de théâtre, je me suis mis à lire et aimer les auteurs qui m’ennuyaient au lycée. C’est aussi l’itinéraire de Neïla que joue Camélia. Elle, par le droit et le concours d’éloquence, moi par le théâtre.
Qui a joué, dans votre propre parcours, le rôle de Daniel Auteuil ?
Y.A. : Mon prof de théâtre. Un prof qui vous provoque, vous humilie, vous fait sortir de votre zone de confort. À vous de comprendre alors ce qu’il y a de bon à prendre ou à rejeter. Car le langage ce n’est pas que les mots. C’est le raisonnement, la pensée. Et un héritage aussi.
Quand Elizabeth Badinter est venue à Nancy, elle a dit aux ados présents : «Je vous supplie à deux genoux de ne pas massacrer notre langue française ! » Aviez-vous justement ça en tête ?
Y.A. : Bien sûr. Notre langue n’est pas seulement un symbole. C’est une identité, des codes, un vécu.
Pourquoi avoir défrisé la superbe chevelure de Camélia pour la dernière scène ?
Y.A. : Pour plusieurs raisons. Un : elle est devenue avocate et n’est plus la petite étudiante des débuts. Deux : sa fonction implique dress code et respect du public. Trois : elle a acquis cet enrichissement que l’on attend aujourd’hui si l’on veut que les uns aillent vers les autres.
Daniel Auteuil, aucun trac pour votre premier rôle de prof ?
Daniel Auteuil : Si. La crainte de ne pas être crédible. Ce qui rejoint un peu ce que j’éprouve au théâtre quand je joue Molière. Car il faut que je donne l’impression que le texte je viens de l’inventer. Pareil ici : en citant Aristote ou Schopenhauer, il fallait l’exprimer avec une grande fluidité. Le travail d’acteur quoi..
Dans la vie, pouvez-vous être aussi cassant que Pierre Mazard, votre personnage ?
D.A. : Non, car je ne suis pas violent. Mazard utilise cette provocation pour stimuler et éprouver l’autre. Comme ces patrons japonais qui invitent leurs contremaitres à boire après le travail. Et si les gars, ivres, s’effondrent en disant « on est copains », ils sont virés…
Mazard, est un Pygmalion pour vous ?
D.A. : En partie, oui. Mais il a aussi conscience de la difficulté pour ces jeunes de banlieue d’être confrontés en fac à des étudiants de milieux plus favorisés. Pas simple, ça.
En préambule du film, quatre auteurs s’expriment. Lequel avez-vous préféré ?
Camélia Jordana : Jacques Brel qui dit ceci : « La bêtise, c’est une sorte de graisse autour du cerveau ou du cœur ». Superbe, non ?
Et jouer avec Daniel Auteuil c’était intimidant ou rassurant ?
C. J. : Comme il est très bienveillant, c’était délicieux de jouer à ses côtés. En plus c’est un excellent comédien, très concentré. Il lui fallait une concentration de samouraï. En l’observant, forcément, on apprend. Énormément.
Propos recueillis Fiona FRANCHI