Interview- Primé lors de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2010, Marc Fitoussi se tourne, pour son troisième long-métrage, Pauline Détective, vers le genre de la fantaisie policière (popularisé ses dernières années par les aventures délirantes des époux Beresford, très librement adaptées d’Agatha Christie par Pascal Thomas). A l’occasion de la sortie du film sur les écrans le 3 octobre, Marc Fitoussi a donc accepté de revenir pour Ici-C-Nancy sur les pérégrinations et investigations de son agaçante et attachante héroïne…
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Dans Pauline Détective, le personnage de Sandrine Kiberlain s’invente une fausse investigation policière et se retrouve finalement plongée dans un contexte de vraies enquêtes… Pourquoi ?
Marc Fitoussi : J’aimais bien l’idée qu’on puisse la prendre pour folle, ou en tous cas, je trouvais que c’était un bon ressort comique que cette nana qui enquiquine tout le monde alors que rien ne s’était passé. J’avoue que l’intrigue policière est presque un prétexte pour donner lieu à une galerie de portraits. J’espère qu’on ne décortiquera pas mon film comme on le ferait pour une intrigue policière plus sérieuse ! Il y a eu des moments sur le tournage où moi-même je me suis trituré le cerveau en me disant : « Mais c’est plausible ou pas ? », je me suis posé beaucoup de questions, et puis finalement la scripte m’a répondu : « Tu t’en fous ! Arrête de t’angoisser ! ». Le principal était avant tout de garder un ton léger ; je voulais que ça reste ludique.
A propos des costumes, vous allez me dire si je me trompe, mais je trouve qu’il y a un petit côté « héroïnes Disney », dans la façon dont est habillée Pauline…
Marc Fitoussi : Disney ? Dans les costumes, et je m’en rends compte maintenant que le film est fini, je trouve qu’il y a quelque chose qui s’apparenterait plutôt à ceux du film de Jacques Demy, Les Demoiselles de Rochefort, dans ces couleurs très saturées, très pastelles. Mais c’était quelque chose de très assumé. S’il y avait bien un film où les actrices pouvaient se permettre de porter des tenues aussi sophistiquées, c’était bien celui-là. Même si effectivement, elles sont peut-être un peu trop apprêtées pour aller à la plage !
Faire ce film vous a-t-il donné envie de vous intéresser davantage au genre du polar ?
Marc Fitoussi : En tous cas, si je devais me replonger dans le polar, je pense que je le ferais de façon un peu plus sérieuse, plus grave… La fantaisie policière, je ne pourrais pas la réimaginer sans Pauline.
Quelles sont vos références en matière de polars ?
Marc Fitoussi : Au top il y a Hitchcock et Brian De Palma… J’aime bien aussi James Gray, qui évidemment fait un type de polar extrêmement différent. Pour ce qui est du cinéma français, j’aime beaucoup Melville mais je citerais plus Chabrol. Violette Nozière, le film avec Isabelle Huppert, bien sûr, et puis j’aime beaucoup Coup de Torchon, de Bertrand Tavernier, mais encore une fois, c’est très différent..
A propos de fantaisie policière, il y en avait une autre récemment à l’affiche…
Marc Fitoussi : Oui, que je n’ai pas vue !
Qu’est-ce qui plaît tant aux cinéastes français, d’après vous, dans ce genre si particulier ?
Marc Fitoussi : Je ne sais pas trop, tout ce que je peux vous dire, c’est que je n’ai pas cherché à faire à la manière de Pascal Thomas, et que je n’ai pas revu ses films pour comprendre leur mécanisme. Sinon, il me semble qu’on n’est pas si nombreux… A part Pascal Thomas et moi, qui s’essaye à la comédie policière ?
Il y a quand même un certain goût dans le cinéma français actuel pour cet aspect-pastiche…
Marc Fitoussi : Oui mais quand je pense au pastiche, je pense plutôt à OSS 117, par exemple. Là, le pastiche est vraiment assumé, où on voit le décalage. Je me rapproche forcément plus de Pascal Thomas dans le sens où nos personnages sont plutôt crédibles, peuvent exister.
Le point commun, c’est aussi finalement que l’enquête n’est pas si importante…
Marc Fitoussi : Oui, voilà. Mais je n’ai vu que les deux premiers films de sa série, et je n’ai pas donc pas cherché à travailler à sa manière, même si le genre de la fantaisie policière est le même.
Je voudrais revenir sur les deux actrices du film : Comment avez-vous eu l’idée de cet étonnant duo-vedette, Sandrine Kiberlain et Audrey Lamy ?
Marc Fitoussi : Au départ, j’avais écrit le scénario en pensant à une mère et sa fille. C’est-à-dire que Pauline, plaquée par son petit-ami, se retrouvait emmenée par ses parents en vacances, et comme je venais de faire Copacabana qui traitait du rapport mère-fille, je me suis dit : « Bon, je me répète peut-être. » Donc je suis parti sur l’idée d’une sœur. Et ce qui me plaisait là-dedans, c’était d’imaginer une petite sœur qui aurait peut-être mieux réussi, qui serait mariée, qui aurait des enfants, tandis que l’aînée serait peut-être un peu à la traîne.
J’avais déjà travaillé avec Sandrine Kiberlain sur mon premier long-métrage, et on avait très envie de retravailler ensemble. Et quant à Audrey…
Je la connaissais surtout grâce à Tout ce qui brille, parce que la série où elle cartonne en ce moment n’était pas encore très connue à ce moment-là, mais comme c’est une comédienne assumée, ça m’arrangeait, car je voulais une actrice qui soit déjà très à l’aise dans le registre de la comédie. C’était un plus d’avoir un personnage immédiatement comique. Mais ce qui me plaisait avec Audrey, c’était aussi de pouvoir lui mettre un mari qui ne soit, lui, pas du tout comique, et ainsi de créer un couple très mal assorti !
Vous expliquez dans le dossier de presse que le titre est à la fois une allusion amusée au film de Rohmer Pauline à la Plage, et en même temps aux séries de la bibliothèque verte et rose, les Alice, Fantômette, etc. Comment…
Marc Fitoussi : Comment ces deux mondes se rencontrent ? Forcément, faire un film qui s’appelle Pauline Détective fait penser à Pauline à la Plage, parce que c’est un titre célèbre et parce que, combien de fois, moi-même, je me suis trompé en voulant dire Pauline détective et en disant Pauline à la Plage ? Le lapsus revenait souvent ! Mais s’il y a vraiment une similitude avec Pauline à la Plage, c’est bien que le film n’est pas seulement une comédie policière mais aussi une comédie sentimentale, presque un marivaudage. Notamment du fait de la rencontre de Pauline avec Simone, le maître-nageur.
C’est aussi un film assez littéraire, très écrit, mais c’est la seule similitude avec le film de Rohmer, d’autant que moi le prénom de Pauline, je l’ai pensé parce que c’est le nom du personnage d’Adjani dans un film de Rappeneau qui s’appelle Tout feu, tout flamme, que je trouvais tout aussi insupportable que l’est celui de Sandrine Kiberlain dans ce film.
A propos du personnage de Sandrine Kiberlain : Pauline est vraiment très égocentrique ! Comment expliquez-vous que tout le monde se prenne aussi facilement d’affection pour elle malgré tout ?
Marc Fitoussi : Je me rends compte que j’écris toujours mes personnages comme ça, en fait. Dans Copacabana, on disait ça aussi d’Isabelle Huppert, qu’elle était très égocentrique, et ne pensait qu’à son bon plaisir… Je pense qu’il y a sans doute là un ressort de comédie. Je me rends compte que dans Copacabana, le personnage masculin quittait aussi Isabelle, prenait sa moto pour finalement lui dire qu’elle ne pensait qu’à elle et qu’il en avait marre. On a quasiment la même scène avec Simone quand ils sortent du commissariat. Mais ça, je ne l’explique pas, c’est l’inconscient qui parle !
Pauline Détective, de Marc Fitoussi, avec Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy, Claudio Santamaria, Antoine Chappey…
Sortie le 3 octobre 2012.
