VOS DROITS. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr.
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Image d'illustration - www ici  c nancy fr


Question : Je vous contacte sur à une précédent article sur les cautions. Nous sommes dans une affaire délicate. Mon père s'est porté caution pour mon frère qui vivait en colocation. Il a fait une erreur, il s'est aussi porté caution pour son colocataire. Un an plus tard, mon frère est parti de la colocation, mais le bail n'a pas été refait. Du coup, mon père est toujours caution de son colocataire. Cette personne n'a pas apprécié le départ de mon frère et a cessé de payer ses loyers - alors qu'il travaille et est solvable. L'agence de l'appartement se retourne donc contre mon père et lui demande de payer. Chose qu'il a été obligé de faire. Cet ancien colocataire a signé un papier à ce moment-là pour indiquer qu'il quitterait l'appartement suite au chèque de mon père - l'agence ayant ce papier. Il ne l'a pas fait et mon père a reçu une seconde facture d'un montant de 3 loyers. Il a été obligé de payer une seconde fois. Cet ancien colocataire n'a aucune famille, personne ne peut donc reprendre et être sa caution. Il fait payer à mon frère le fait d'être parti. L'agence refuse de retirer mon père de son rôle de caution et l'ancien colocataire ne veut pas quitter l'appartement et il ne paye plus ses loyers. Là encore, c'est la troisième facture qui nous arrive. Cela dure depuis un an et nous ne savons plus quoi faire. Nous avons donné plus de 7000€ dans cette histoire et il semblerait que rien ne puisse nous couvrir aux yeux de la Loi. Le colocataire refuse de payer ses loyers et l'agence refuse de le mettre dehors, car son garant doit payer. Peu importe les papiers signés, tout nous accuse. Nous avons essayé de porter plainte, mais elle a été refusée, car l'ancien colocataire de mon frère a refusé le recommandé. Nous sommes vraiment désemparés. Que faut-il faire dans ce genre de situation ? Merci beaucoup

Élodie B. 

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 La réponse de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy

La colocation qui fait aujourd’hui l’objet d’un engouement particulier et qui dépasse largement le contexte du couple est celle dans laquelle des amis ou des personnes étrangères les unes aux autres décident de partager un même logement pour des raisons financières, d’affinité ou de convivialité. Initialement répandu aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le phénomène de la colocation a ensuite gagné la France, attirant dans un premier temps les étudiants et jeunes célibataires actifs, principalement pour des raisons économiques. Ce nouveau mode de vie connaît aujourd’hui un développement fulgurant parmi de nouvelles tranches de population jusqu’ici peu concernées, notamment auprès des mères célibataires et des séniors.

En général, chacun des colocataires signe le même bail qui est commun à tous. Chacun doit comme le bailleur en  conserver  un exemplaire. Chacun des colocataires a les mêmes droits et obligations vis-à-vis du bailleur. En pratique, chaque locataire paie une quote-part du loyer et des charges au bailleur à l’échéance convenue, mais il faut savoir que chaque colocataire est responsable indivisiblement du paiement de la totalité du loyer et de toute somme due au bailleur (charges, réparations locatives). Le choix des colocataires avec lesquels on s’engage est donc essentiel. Si un colocataire est contraint de payer plus que la quote-part de loyer lui incombant, il pourra toujours se retourner, par la suite, contre son ou ses colocataires et les poursuivre le cas échéant en justice pour obtenir le remboursement des sommes excédant sa part.

Il est par ailleurs essentiel de vérifier le contenu du contrat : la présence d’une clause de solidarité dans le bail a des conséquences importantes sur les obligations des uns et des autres, y compris de celui qui a donné son congé et quitté les lieux. La clause de solidarité est une mention dans le bail qui ne comporte pas obligatoirement le mot " solidarité ", mais qui exprime clairement que chacun des locataires peut être tenu responsable du paiement de la totalité de toute somme due  au propriétaire (loyer, charges, réparations locatives) jusqu'à l'expiration du bail en cours. Par rapport à votre frère et son éventuel engagement dans le paiement des loyers, je vous invite donc à vérifier le contenu exact du contrat de location qu'il a signé. Mais dans la plupart des cas, les contrats prévoient cette clause de solidarité, car il s'agit d'une sécurité pour le bailleur.

Le bailleur peut demander le cautionnement  d’un tiers qui se portera garant du paiement des sommes dues par le colocataire en cas de défaillance de celui-ci. Il peut être demandé une caution par colocataire. Si le cautionnement prévoit une solidarité entre les cautions, la caution solidaire de chaque colocataire pourra être tenue au paiement de l’intégralité du loyer, sauf clause contraire, jusqu’à la fin du bail en cours. Il appartiendra ensuite à cette caution de demander aux autres colocataires le remboursement des sommes versées, à proportion de leur quote-part de loyer. Dans votre cas, seul votre père s'est visiblement porté caution.

Sauf clause contraire, la caution est généralement engagée pour la totalité du loyer et l’ensemble des colocataires, comme dans la situation que vous me décrivez : en cas de départ de l’un des colocataires, la ou les personnes qui se portent caution restent alors tenue au paiement des loyers par les colocataires restant, jusqu’à l’expiration du bail en cours.

Le colocataire qui souhaite quitter le logement avant les autres doit informer le propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant le délai de préavis de trois mois, ramené à un mois dans certains cas précis (article 15-I, alinéa 2 de la loi du 6 juillet 1989 pour les motifs suivants). Je pense que votre frère a dû respecter ces modalités.

En cas de départ prématuré d’un des colocataires (c'est-à-dire avant l’échéance du bail), la solidarité fait du colocataire partant un garant du colocataire qui reste dans les lieux jusqu’à la fin du bail : le colocataire partant pourra être tenu de régler au propriétaire les impayés. Lorsque le terme du bail arrivera, et même si les autres colocataires décident de rester dans les lieux, le congé qu’il a donné le délivrera de son engagement de solidarité envers les colocataires restants. (Civ. 3e, 8 novembre 1995 ; Civ. 3e, 27 février 2002). L'engagement solidaire de votre frère, concernant le paiement, trouvera donc un terme à la fin du bail, et il ne sera plus engagé même si l'autre locataire reste dans les lieux en raison du renouvellement du bail.

Force est de constater que l'effet de la clause de solidarité est très dur pour le colocataire parti et sa caution.

Il aurait donc été particulièrement important d’inclure dans l’acte de caution, sous réserve de l’acceptation du bailleur, une clause limitant la portée de l'engagement de votre père en sa qualité de caution. C'est ce qu'on appelle une caution simple. En colocation, la caution simple ne couvre que la quote-part d'un colocataire, même lorsque tous les colocataires figurent sur un seul bail. Mais cela n'a pas été le cas.

La caution solidaire doit faire l'objet d'un document écrit, annexé au bail de colocation et dans lequel sont mentionnés :

_ l'identité de la caution et son adresse ;
_ l'identité du colocataire garanti par la caution ;
_ les coordonnées du bailleur ;
_ la durée du bail et sa date de prise d'effet.

La caution solidaire doit également rédiger, à la main, deux paragraphes en bas du document précisant qu'elle a eu connaissance de la nature et de l'étendue des obligations qu'elle contracte avec notamment :

_ le montant du loyer et ses modalités de révision ;
_ les obligations et modalités de résiliation de la caution solidaire.

Vous devez donc vérifier si l'engagement de caution signé par votre père comprend toutes ces mentions, à défaut de quoi il ne serait pas valable.

La caution s'engage usuellement sur l'intégralité du loyer et des charges (comme le locataire qu'elle garantit). La durée de la caution doit être déterminée, à défaut de quoi celle-ci pourra remettre en cause son engagement à chaque échéance du bail.

Ce qui signifie que si votre père s'est en tant que caution solidaire pour une durée déterminée (par exemple: un bail d'un durée de 3 ans et un renouvellement d'une même durée), son engagement se terminera à l'échéance de cette période. A l'issue de cette période, la caution est désengagée et ne peut plus être appelée en garantie pour les impayés postérieurs. Dans ce cas, à la date indiquée dans l’acte de cautionnement initial votre père sera automatiquement délié, sans aucune formalité à accomplir. Ce qui signifie également que si c'est son cas, vote père n'était pas tenu du paiement des dettes au-delà de cette date. Par contre si la durée de l'engagement n'a pas été déterminée (ou si elle n'a pas été déterminée assez précisément comme par exemple: "pour la durée du  bail et ses renouvellements", votre père peut résilier son engagement à chaque échéance du bail (article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989). C’est-à-dire que s'il ne souhaite plus se porter garant aujourd’hui pour un locataire dont le bail court encore pendant 6 mois, son cautionnement ne sera résilié qu’au terme du bail. Il devra couvrir ses frais de location jusqu’à la fin du bail de location.

Sachez que, concernant les sommes payées par votre père, la caution peut agir en justice contre le locataire qu’elle a cautionné entre la déclaration de résiliation et la résiliation effective du bail (Articles 2305 et suivants du Code civil). Il est donc particulièrement important de faire cette déclaration au plus tôt si son engagement est indéterminé.

De même, l’article 24 de la loi de 1989, exige que le propriétaire tienne régulièrement au courant (au moins une fois par an) la caution du règlement ponctuel ou non du locataire. Si cette condition n’est pas respectée, le propriétaire ne pourra pas prétendre au remboursement de sa dette par la caution.

Une question juridique ? Faites nous parvenir un courriel à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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