Cinéma. Adapté de la pièce de théâtre éponyme créée en 2012 au théâtre de Paris, L’étudiante et Monsieur Henri, long métrage de Ivan Calbérac est à l’affiche ce mercredi. Un film drôle et émouvant à l'humour décapant que le réalisateur avait défendu lors de son passage à Nancy, le mois dernier aux côtés de Guillaume de Tonquédec et Noémie Schmidt.
Constance est une jeune étudiante en quête d'un logement à un prix raisonnable à Paris et Monsieur Henri est un septuagénaire bougon à la santé fragile qui ne peut plus vivre seul. Un peu contraint par les évènements et pour échapper à la maison de retraite, Monsieur Henri décide de louer une chambre à l'étudiante à qui il va proposer un marché cynique et amoral, celui de séduire son fils pour se débarasser de sa bru qu'il ne supporte plus.
En transposant à l'écran sa propre pièce de théâtre, L'étudiante et Monsieur Henri, Ivan Calbérac offre un nouveau cadre à cette pièce largement applaudie au Petit Thêatre de Paris. Un casting réunissant à l'écran un quatuor de choc, Claude Brasseur incarnant au début du film une sorte de Papy Daniel bourru à l'humour acerbe, Guillaume de Tonquédec, brillant dans le rôle du fils soumis, falot et écrasé par son père, Frédérique Bel dans son rôle de belle fille bourgeoise un peu cruche et enfin Noémie Schimdt, à fois solaire et désorientée dans ses choix. Empreints d'une dimension psychologique forte et emprisonnés dans un carcan de plus en plus lourd à porter, chaque personnage semblent évoluer dans une quête celle de trouver leur place dans une vie qui ne leur convient pas avec des thèmes comme la vieillesse, la dépendance, le logement, les liens intergénérationnels, les non-dits... Grace à une écriture efficace et sans jamais tomber dans la facilité, toutes les formes de la comédie opèrent avec finesse, Ivan Calbérac, livre un film rafraichissant et franchement drôle ! Un hymne dans cette comédie aux allures de vaudeville à la complicité et du dépassement en ces temps de repli sur soi.
RENCONTRE - avec Ivan Calbérac, Guillaume du Tonquédec et Noémie Schmidt
Du théâtre au cinéma et une certaine liberté
Ivan Calbérac- Il y a eu moins de contraintes au cinéma qu’au théâtre. Au théâtre, c’est plus compliqué de changer de décor, d’ajouter des personnages, le cinéma m’a permis au contraire de multiplier les décors sans que ça paraisse trop artificiel. De même, au théâtre tout avance par le dialogue alors qu’au cinéma, on peut montrer des choses au lieu de les dire, c’est ce qui m’intéressait dans l’adaptation, c’est de pouvoir montrer des choses dites dans la pièce. Et puis, il y a eu quelque chose de très central dans l’adaptation, c’est la précision psychologique du personnage, au théâtre on accepte lors des revirements, des personnages qui changent d’avis parce qu’on a besoin que l’action avance alors qu’au cinéma il faut être beaucoup plus proche de la pression psychologique des personnages, il y a eu un travail à ce niveau-là.
J’ai essayé d’apporter un soin très important à la conception des décors, à la lumière avec des ambiances subtiles, on a pris le risque de moins éclairer, de faire des nuances différentes et de proposer une mise en scène très fluide, très mobile, bien qu’on tournait souvent à l’intérieur et que la caméra était souvent en mouvement. J’ai essayé de faire quelque chose d'élégant et qui nous emporte. La musique est également très importante et reflète différentes tonalités, elle alterne des morceaux assez classiques et d’autres très modernes comme The Aveners pour marquer la collision entre des univers différents.
Ivan Calbérac...
Guillaume de Tonquédec : L’écriture est la matière première pour tout le monde, c’est magistralement écrit, même les silences sont placés au bon endroit, pour un acteur c’est un délice de rendre ces choses-là dans un regard. Ivan Calbérac est quelqu’un qui aime les acteurs et qui nous a donné confiance les uns avec les autres.
Noémie : Il a une certaine souplesse, il prend du recul sur ce qu’il a écrit et écoute ce qu’on a dire, pour moi c’était très agréable.
Le poids de l’hérédité omniprésent
Ivan Calbérac : Le thème important du film est celui de trouver sa place face à une hérédité écrasante et comment se faire suffisamment confiance pour aller vers ce qu’on aime, quand on a peur d’échouer. Les personnages du fait de leur éducation ont intégré une croyance qui est une sorte de pensée qui guide leurs actions qui sont « je ne mérite pas d’être heureux ou d’aller vers ce qui me plaît ». Constante a totalement intégré ça et Paul aussi. D’ailleurs c’est un grand enjeu aujourd’hui, celui de trouver sa place et c’est une quête qui n’est pas simple surtout lorsqu’on subit une hérédité écrasante ou que l’on entend des phrases toxiques.
Les personnages de Paul, Monsieur Henri et Constance
Guillaume de Tonquédec : Ce que j’aime dans l’écriture de Ivan, c’est qu’on comprend vite que Paul et son père s’aiment, mais on n’est jamais seul dans sa tête dans la vie et c’est d’ailleurs une phrase de Molière « ce grand aveuglement où chacun est pour soi » dite par Célimène dans le Misanthrope. Le fils ne peut pas voir que son père l’aime, mais Constante le perçoit à travers ses propos lorsqu’il le père lui dit « n’attrape pas froid ». Le fils prend le conseil pour une contrainte, car il croit qu’il le considère pour un bébé et ça l’agace alors qu’il s’agit en fait d’une preuve d’amour. Paul est un personnage complètement écrasé, c’est l’un des éléments de la comédie très importants. L’arrivée du personnage de Noémie est un coup de baguette magique sur le trio, le père, le fils et la bru, sinon ils seraient restés sclérosés jusqu’à la fin de leurs jours et notamment le père, joué magnifiquement par Claude Brasseur. Ce qui m’a plu dans l’écriture c’est que les personnages évoluent du début qu’à la fin, ils se révèlent chacun à eux même grâce à Noémie qui possède une certaine forme d’innocence.
Ivan Calbérac : Malgré le marché complètement amoral auquel Noémie est confrontée, elle le joue sans préméditation et sans arrière pensé. Paul et Noémie sont deux personnages très en miroir, ils ont chacun un père écrasant et du coup ils vivent chacun un peu la même chose.
Et Frédérique Bel ?
Guillaume de Tonquédec : Elle a une vraie folie qui embarque tout, je la trouve assez unique. C’est un personnage très maladroit qui au lieu de rattraper le coup fait des gaffes.
Ivan Calbérac : Pour le film, j’ai eu beaucoup de chance c’était mon premier choix. Son personnage est décalé et toujours à contretemps. Elle se sent toujours obligée de parler lorsqu’il n’y aurait pas besoin et du coup fatalement elle dit une bêtise...
- L'Étudiante et Monsieur Henry - (comédie)
EN VIDÉO : La bande annonce de L'étudiante et monsieur Henri
