Dans un film qui regorge de films, entre fiction et autobiographie, Olivier Assayas fait le récit d’une époque-charnière où les destins d’une bande de lycéens oscillent entre convictions politiques, recherches artistiques et errances amoureuses. Magnifique et intense.

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  Mai 1968. Quelques semaines d’utopie ont donné naissance à un mythe qui continue de fasciner intellectuels, artistes, analystes et philosophes, quarante-quatre ans après les faits. L’effervescence de ce temps protestataire si particulier pour la mémoire française continue de susciter réflexions et interrogations. Mais Olivier Assayas, pur produit de la génération d’après Mai 68, une génération pour lui « née dans le chaos », n’en recherche pas les causes, dans son nouveau film – un film dans la continuité de L’Eau Froide, qu’il avait réalisé en 1994. Ce qui l’intéresse, c’est la période qui suivit cette parenthèse de mai. Cette génération issue du chaos, donc, advenue sur Terre juste après une révolte, et convaincue qu’il lui appartenait de tout bouleverser. Une génération très politisée qui croyait dur comme fer à la capacité et à l’imminence de la révolution prolétarienne.

  Et pour parvenir à filmer au mieux ce temps d’actions et de débats, justement parce que cette période le touche de près, il se raconte lui-même. Olivier Assayas a choisi de construire ce récit dans le délicat équilibre entre fiction et autobiographie. Ses personnages sont à la fois un peu lui, un peu de ces jeunes dépolitisés mais toujours riches d’idéaux d’aujourd’hui à qui il a confiés les rôles ; et purs fantasmes d’écriture.

  Soit Gilles, Laure, Alain, Jean-Pierre et Christine, une bande de lycéens avides de participer aux mouvements contestataires des années 1970. L’objet de leurs revendications, quand débute le film, est la dissolution des Brigades Spéciales d’Intervention, une unité de répression policière particulièrement violente, qui en février 1971, provoqua le scandale en blessant gravement – et arbitrairement – de jeunes manifestants. Mais au cours d’une action qui tourne mal, la petite bande blesse à son tour accidentellement l’un des vigiles du lycée. L’affaire est grave, et, le temps de laisser les choses se tasser, une solution s’impose : la fuite. Mais ce qui était au départ une forme d’exil va bientôt devenir une sorte de quête initiatique. Les uns rencontreront l’amour ; les autres deviendront seulement adultes avant l’heure, trop effrayés à l’idée de devoir à nouveau fuir leurs responsabilités. Jean-Pierre resté à Paris, fera réellement l’apprentissage de la lutte armée. Quant à Gilles, il découvrira ce vers quoi son tempérament d’artiste le mène : la vie, l’amour, la peinture, et finalement ; le cinéma.

  Formellement, cet Après Mai d’Olivier Assayas est d’une beauté intense, avec ses superbes scènes de pique-niques nocturnes, de fêtes hippies où ressort incomparablement la beauté des actrices, India Salvor Menuez et Carol Combes en tête ; sa façon de cadrer au plus près le geste pictural, comme pour essayer de capter l’essence de la création artistique ; sa lumière qui fait resplendir chaque plan, tantôt merveilleuse, tantôt amère. Scénaristiquement, il est incroyablement riche. Traversant les années dans les pas de ses jeunes héros, le film foisonne. Questionnements politiques, tourments amoureux, passions artistiques, désillusions, quête de sens, cinéma, situationnisme, anarchie, révoltes, syntaxe ; bouleversements des sociétés, des langages et des formes s’y mêlent en une symphonie étourdissante où retentissent Syd Barrett, Nick Drake et Captain Beefheart. « Le réel frappe à ma porte et je n’ouvre pas », déclarera Gilles. Qu’importe s’il faut se perdre pour aimer, l’art ouvrira toutes les portes pour lui. Et ainsi, Olivier Assayas réussit l’exploit de faire mille films en un seul, restituant la ferveur éteinte d’une époque-charnière, pourtant évincée de la mémoire collective par l’aura de l’événement qui la précéda, à l’aide d’une caméra virtuose, filmant ses protagonistes avec une indicible tendresse.

 

Notre avis: etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini--grisee-25x25

apresmai-ncyAprès Mai, d’Olivier Assayas, avec Clément Métayer, Hugo Conzelmann, Lola Créton, Félix Armand, Carole Combs, India Salvor Menuez, Mathias Renou, Léa Rougeron. Sortie le 14 novembre 2012

Région parisienne, début des années 70. 
Jeune lycéen, Gilles est pris dans l’effervescence politique et créatrice de son temps. Comme ses camarades, il est tiraillé entre un engagement radical et des aspirations plus personnelles.
De rencontres amoureuses en découvertes artistiques, qui les conduiront en Italie, puis jusqu’à Londres, Gilles et ses amis vont devoir faire des choix décisifs pour trouver leur place dans une époque tumultueuse.

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