Ombline- Entre ombre et lumière, tendresse et violence, le jeune réalisateur Stéphane Cazes fait le portrait d’une jeune femme devenant mère en prison, apprenant à aimer pour s’en sortir. Tout en se penchant sur l’énigmatique question du lien maternel, il réalise alors un premier film d’une force incroyable et profondément émouvant.
Ombre. La vie d’Ombline en est faite. Autour d’elle, à présent, il n’y a plus que cela, l’atmosphère sombre, oppressante, de la prison. La prison où elle est détenue, devenue son seul horizon, depuis qu’elle a tenté d’assassiner un policier en voyant son petit-ami, dealer de son état, tomber par-dessus la rambarde du quatrième étage en voulant échapper à son arrestation. La prison qui retient depuis ses onze ans un père à qui elle ne peut pas pardonner, avec qui elle n’a plus de contact. La prison qui a brisé sa vie dès l’incarcération de ce père qui était son seul refuge, suite à la mort de sa mère.
Mais aussi la prison qu’est devenu son esprit, pris dans un engrenage de haine et de violence. Aux événements de sa vie, Ombline ne sait plus répondre que par les coups, les insultes, une révolte frénétique qui agite constamment son cœur et son corps. Elle n’a plus vraiment d’espoir, est aussi enfermée physiquement que mentalement, dans son mépris et ses propres préjugés. Jusqu’au jour où sa codétenue lui révèle ce que signifient les symptômes du changement qu’elle éprouve en elle et qu’elle ne comprend pas. Elle est enceinte. Bientôt, l’enfant de cet homme qu’elle a perdu, son seul amour et son seul équilibre dans ce monde avec lequel elle se sent si peu en phase, naîtra derrière les barreaux.
Lumière. Dès la naissance de Lucas, Ombline est transfigurée. La violence est toujours présente, mais pour lui, il lui faudra la repousser. Parce que Lucas est prisonnier aussi, et pourtant il n’a rien fait. Parce qu’à la moindre incartade, la justice les séparera. Parce que dans la haine elle ne peut pas trouver le moyen de l’élever. Et parce que surtout, enfin, Lucas lui réapprendra, jour après jour, malgré toutes les difficultés, à aimer, à arrêter de juger, à accorder sa confiance et à pardonner.
Ainsi, si l’histoire préférée de Lucas est celle de L’Arche de Noé, ce n’est pas un hasard. L’histoire d’Ombline est celle d’un sauvetage. Elle a fait naufrage et c’est l’amour de son enfant qui lui permettra de reprendre pied. La caméra de Stéphane Cazes filme cette relation entre la mère et son fils de la même manière qu’un peintre de la Renaissance italienne représentait une Vierge à l’Enfant : dès lors que Lucas est là, une aura, une grâce, enveloppe Ombline. Et si l’obscurité ne se dissipe jamais tout à fait, si elle n’apparaît pas totalement vaincue, le réalisateur nous laisse ainsi croire qu’il y a de l’espoir, que par Lucas la rédemption est possible.
Liens. Dans ce premier film du réalisateur Stéphane Cazes, il y a donc les liens qui entravent ; la violence et la prison. Mais il y a aussi le lien qui libère : celui qui unit la mère et son fils. Cette question de la maternité, le jeune réalisateur ne cache pas qu’elle a guidé sa démarche depuis le début ; la prison, sujet pour lequel on ressent sa passion, son implication – Stéphane Cazes ayant effectué pendant deux ans du soutien scolaire auprès de prisonniers dans le cadre d’un bénévolat pour l’association Genepi – devient le catalyseur de cette exploration du lien filial. Lien filial qui est présenté ici comme une vraie pulsion de vie, une force réconciliatrice. La vie a eu beau malmener Ombline ; en donnant la vie, elle reprend le dessus, retrouve le goût de la vivre, de s’accrocher. Pour elle, pour son père, pour son défunt amant, pour Lucas lui-même, la naissance redonne du sens à cette vie qu’elle subissait.
On sent alors l’admiration du réalisateur pour son héroïne. La caméra ne cherche pas à l’excuser mais la dépeint avec tendresse. Dénonce la fermeté sans issue de la prison, qui brise, qui condamne, qui se moque bien après tout de donner la possibilité aux personnes de s’en sortir. Ce système qui condamne les prisonnières comme les surveillantes à la colère, aux rapports de force. Et l’interprétation de Mélanie Thierry donne d’autant plus d’impact à ce propos humaniste qu’on la redécouvre alors sous un jour nouveau. Avait-on vu Mélanie Thierry jusqu’à présent ? L’actrice est bien loin de ses rôles habituels, va chercher au fond d’elle-même, dans le courage des détenues qu’elle a rencontrées pour se préparer à incarner Ombline, un alliage de fragilité et de force qu’il semble qu’on ne lui connaissait pas encore. Ainsi, plus que jamais, Stéphane Cazes la révèle, en même temps qu’il se révèle être l’un des jeunes talents à suivre du cinéma français, avec ce premier film à la fois émouvant et fort, d’une étonnante maturité.
Notre avis : 
Ombline,
de Stéphane Cazes, avec Mélanie Thierry, Nathalie Becue, Corinne Masiero, Catherine Salee. Sortie le 12 septembre 2012.
Ombline, une jeune femme de vingt ans, est condamnée à 3 ans de prison suite à une violente agression. Alors qu'elle a perdu tout espoir en l'avenir, un événement vient bouleverser sa vie : elle découvre qu’elle est enceinte et donne naissance à Lucas. La loi lui permettant de l'élever les 18 premiers mois, Ombline va se battre pour garder son fils le plus longtemps possible auprès d'elle et convaincre le juge qu'elle est capable d'en assumer la garde à sa sortie de prison. Dans cet univers carcéral sombre, commence le combat d'une femme devenue mère en prison, qui va se reconstruire en se battant pour son enfant.
