Vos Droits. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr

Poindinterrogation

Chaque semaine, retrouvez la réponse complète de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy à une question juridique - photo d'illustration 

La semaine dernière j’ai garé mon véhicule sur une place de stationnement (en épi, au fond) d'un parking de magasin de bricolage à Vandœuvre-lès-Nancy. Problème, en quittant ma place de stationnement en marche arrière (puisque je m’étais garé en marche avant), mon pare-chocs a frotté le haut de la bordure du parking, si bien, qu'il s’est déboité sur les deux côtés.  Je précise, que je possède une voiture familiale, récente et non rabaissée (non tunning) et que je me suis garé initialement sans aucun choc ni aucun frottement et bien évidemment doucement. Très soigneux et prudent avec mes véhicules, c’est la première fois que je suis confronté à ce type d’incident et surtout sur un parking d’un grand magasin.  Ma question est donc la suivante : l’enseigne peut-elle avoir une part de responsabilité si certaines de ses places de stationnement disposent de bordures si hautes sur son parking, qu’elle endommage les véhicules ?

R.R

maitrecarmagnaniLa réponse de Déborah Carmagnani, avocate au barreau de Nancy. 

Un vieil adage disait que tout conducteur devait rester maître de son véhicule en toute circonstance. Cet adage est désormais abrogé. Mais n’en reste pas moins que le Code de la Route prévoit que tout conducteur, avant de manœuvrer, doit s’assurer de l’absence d’obstacle.

Toutefois, lorsque vous êtes arrivé sur ce parking, vous n’avez pas été sans remarquer la présence de ces rochers, donc vous étiez censé ne pas ignorer leur présence. Par prudence, vous auriez dû faire le tour de votre véhicule pour observer son environnement avant de reprendre le volant. Au regard du Code de la Route, vous êtes seul responsable.

Il est vrai que le magasin doit prendre toutes les précautions nécessaires pour garantir dans ses locaux, votre protection physique. L’obligation de sécurité posée par l’article L. 421-3 du code de la consommation lui impose de mettre à disposition des produits ou des services qui, dans des conditions normales ou vraisemblablement prévisibles d’utilisation, présentent la sécurité à laquelle il est légitime de s’attendre. Cependant, dans votre cas, il ne s’agit pas de préjudices physiques, mais matériels.

Vous êtes vous stationné sur cet emplacement pour vous rendre dans le magasin, et dans ce cas vous seriez consommateur? Vos demandes ne me permettent pas de le déterminer. Dans le cas contraire, le parking est un lieu privé accessible aux clients seuls, généralement une pancarte le précise, et vous n’aviez pas à vous y garer. Quelque soit votre préjudice, il était impératif d’établir, au moment des faits, une déclaration d’accident en la présence du responsable du magasin, de relater les faits avec précision (circonstances, lieu, dommages, etc.) et de conserver une copie signée. Vous imaginez bien, qu’après coup, vous aurez de grandes difficultés à obtenir ce document. Le professionnel doit transmettre à son assureur un exemplaire de la déclaration d’accident. Les commerçants ont généralement une assurance responsabilité civile qui couvre les dommages corporels et matériels causés à une personne dans le cadre de l’activité de l’entreprise.

Les juridictions civiles indemnisent généralement les victimes d’accident, en cas de faute du magasin. Mais il s’agit de préjudice causé à la personne. Dans votre cas, il s’agit d’un préjudice causé aux biens, votre véhicule. Le magasin peut être tenu responsable s’il a commis une faute (article 1240 du Code civil). La difficulté réside dans la preuve de cette faute. Celle-ci est bien souvent impossible à rapporter. C’est la raison pour laquelle le législateur a instauré un régime de responsabilité plus protecteur pour le consommateur : la responsabilité du fait des choses. Le magasin est responsable, de plein droit, des dommages causés par les choses qui sont sous sa garde (obstacles non repérés, étagère bancale, revêtement du sol dégradé, etc.) comme le prévoit l’article 1242, alinéa 1 du code civil. À noter,  la notion de « chose » est entendue largement (sol, étagère, produits mis en vente, tapis de caisse, etc.). Elle recoupe également les choses qui sont à l’extérieur des locaux commerciaux, par exemple, sur le parking (muret, abris à charriots, etc.). Ce régime de responsabilité est plutôt en votre faveur.  

La responsabilité du fait des choses est une responsabilité « sans faute ». Cela signifie que vous n’avez pas à prouver, devant le juge, que le magasin a commis une faute. Il peut être condamné à vous verser des dommages et intérêts même s’il n’est pas fautif. Toutefois, il vous faudra démontrer :

•un préjudice patrimonial et/ou extrapatrimonial,

•le fait de la chose, c’est-à-dire, l’intervention matérielle de la chose dans la survenance du dommage,

•Pour les choses inertes, vous devez prouver le rôle actif de la chose. Il peut être déduit de ce qu’elle occupait, au moment de l’accident, une position anormale. La solution vaut aussi bien pour les choses naturellement immobiles que pour celles susceptibles de mouvement, qui étaient immobiles au moment de l’accident. Un client qui heurte un muret en béton à l’entrée d’un magasin, par exemple, ne peut obtenir des dommages et intérêts que s’il parvient à démontrer que cet obstacle a causé sa chute. Toutefois la Cour de cassation a rejeté une telle demande en indemnisation, car la configuration du muret en question le rendait parfaitement visible pour une personne normalement attentive, « ce dont il résultait que le muret, chose inerte, n’était pas placé dans une position anormale » (Cass. civ. II, 29 mars 2012, n° 10-27553). En revanche, la Haute juridiction considère qu’une porte vitrée qui se brise du seul fait du heurt de la victime est anormalement fragile (Cass. civ. II, 24 février 2005, n° 03-13536).

Votre difficulté va être d’apporter la preuve que ce rocher avait une situation anormale, en tenant compte du fait que vous l’aviez bien identifié lorsque vous vous êtes garé.

La jurisprudence dont nous disposons concerne les dommages causés à une personne et non à un bien.

La réponse reste donc incertaine. Il est probable que vous de dépensiez plus d’argent et d’énergie à rechercher la responsabilité du magasin, sans être sûr d’obtenir gain de cause, plutôt que de prendre cet incident à votre charge.

Si vous deviez vous engager dans la voie judiciaire, je vous encourage à vous rapprocher d’un avocat.

Une question juridique ? Faites nous parvenir un courriel à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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