Vos Droits. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr
QuestionJuridique

Chaque lundi, les explications juridiques de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy répond aux lecteurs de Ici c Nancy / photo d'illustration

J'aimerais quelques explications au sujet d'une donation qui se rattache à un objet d’art, donné en octobre 2005 par une lettre manuscrite du donateur et déclaré au fisc par le donataire en avril 2015. Cet objet avait une valeur d’assurance de 38 000 € en 2003, une valeur de vente de 100 000 € en 2015. L’objet a été déclaré 100 000 € conformément à la législation en vigueur. Par ailleurs une donation partage avait eu lieu en 1993 sur la maison parentale. Cette maison va être vendue. Les enfants sont donc nus-propriétaires et les parents usufruitiers. Questions : => la réintégration de l’objet d’art dans la succession se fera-t-elle au moment du partage de la vente de la maison ou bien au moment du décès des parents ? (mariés sous le régime meubles et acquêts) => y a-t-il un délai au-delà duquel un don manuel n’est plus réintégré dans la succession ? Si oui quelle est la date qui compte : la date de donation mentionnée sur la lettre du donateur ou bien la date de déclaration du donataire au fisc ? Merci de vos réponses, cordialement

Sophie-Dominique C.   

maitrecarmagnaniLa réponse de Déborah Carmagnani, avocate au barreau de Nancy. 

 

Le don manuel est une technique de transmission courante car elle n’exige aucune formalité particulière. En effet, la technique est simple puisqu’il s’agit de donner de la main à la main une somme d’argent ou un objet sans passer par un notaire.

Si le présent d’usage n’est pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit (impôts applicables lorsque l’on fait une donation ou sur ce que l’on reçoit par succession), il n’en est pas de même des dons manuels qui seront taxables si l’Administration découvre leur existence.

Il n’y a pas de formalisme particulier ; pour autant, il n’en demeure pas moins qu’ils sont considérés comme des donations et donc soumis aux droits de mutation et aux règles civiles des donations.

Du point de vue droit civil, le don manuel est licite et constitue un acte de donation au même titre que la donation notariée. S’il est révélé, le don manuel viendra s’ajouter à la masse successorale lors du règlement de la succession et il s’imputera sur la quotité disponible ou la réserve selon la qualité de son bénéficiaire. 

Le don pourra être réductible s’il excède la quotité disponible et porte atteinte à la réserve des autres héritiers.

Ce don pourra être rapportable, c’est-à-dire intégrer la masse à partager. En effet, le don est présumé avoir été réalisé en avancement de part successorale, cela signifie qu’il doit être intégré à la masse à partager (masse de tous les biens existants au moment du partage). Toutefois, seul le donataire qui a également la qualité d’héritier acceptant la succession sera soumis au rapport. Si le donataire est un tiers non appelé à la succession, ce dernier n’aura pas à rapporter le bien à la masse partageable.

La dissimulation d’un don est risquée car les héritiers peuvent, par exemple, invoquer un recel successoral. L’héritier coupable de recel pourra alors être privé de sa part sur la succession.

Le don manuel, comme toutes les autres donations, devra faire l’objet d’une déclaration à l’administration fiscale dans un délai d’un mois qui suit la remise effective du don. Le risque de redressement fiscal est important. En effet les soupçons de l’Administration fiscale sur l’existence d’un don manuel résident souvent dans la différence importante constatée entre les revenus déclarés et les ressources investies ou dépensées.

A l’égard de l’Administration fiscale, il faut toujours être en mesure de justifier de l’origine des fonds que l’on utilise et donc de prouver qu’il s’agit d’un don et non pas de fonds dissimulés par le contribuable.

La révélation d’un don manuel, si elle n’est pas provoquée par le donataire lui-même, a donc de grandes chances d’intervenir à l’occasion d’une procédure de contrôle ou au cours du règlement d’une succession ; en effet personne n’est à l’abri d’un contrôle fiscal successoral.

Et si le don manuel porte sur un bien, c’est sa valeur au jour de la révélation du don qui constituera la base d’imposition (si c’est une somme d’argent au contraire, on prendra le nominal).

Le donataire non-héritier sera débiteur des droits de donation sans autre pénalité particulière. Les conséquences financières risquent en revanche d’être plus graves pour le donataire qui est en même temps héritier du donateur. En application de la règle du rappel fiscal, toute donation portée à la connaissance du fisc doit mentionner les donations antérieurement consenties dans les 15 années qui précèdent, par le donateur au même bénéficiaire. Si, par exemple, à la suite de la déclaration de succession, le fisc parvient à prouver que le donataire a volontairement omis de déclarer un don manuel, il exigera les droits normalement dus, assortis des intérêts de retard (0,40 % par mois) et des pénalités pouvant atteindre 80 %.

Il peut donc être utile de formaliser le don manuel, afin de pré-constituer la preuve de l’origine des fonds et évacuer le spectre de la dissimulation de fonds. Notons que l’enregistrement du don auprès de l’Administration fiscale est une formalité intéressante puisqu’il lui confère une date certaine et permet de figer sa valeur à la date de déclaration.

Pour les dons consentis depuis le 31 juillet 2011, c’est la date de leur plus forte valeur entre la valeur au jour de la déclaration et celle au jour où le bien est donné qui est retenue.

En d’autres termes, l’œuvre d’art que vous évoquez sera réintégrée à l’actif successoral au moment du partage. En l’absence de déclaration volontaire au fisc, lors de laquelle il peut être précisé la date de prise en compte de la valeur du bien donné, sa valeur sera prise en considération, au jour du partage pour maintenir l’égalité entre les héritiers. D’après l’article 860 du Code civil, le montant du rapport est égal à la valeur du bien donné au moment du partage, selon l’état de ce même au moment de la donation. En d’autres termes, il s’agit de partager le patrimoine du défunt comme s’il n’avait procédé à aucune donation antérieure. Et c’est cette même date dont il faudra tenir compte pour savoir si le bien doit être réintégré.

Un acte sous seing privé, précisant la façon dont s’est effectué le don, peut être établi entre les parties. Le don peut être établi par-devant notaire. Il peut aussi simplement être enregistré auprès de l’administration fiscale. L’enregistrement confère au don une date certaine et permet de figer sa valeur à cette date de déclaration. 

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