L'ensemble des établissements de santé du Grand Nancy était réuni ce mercredi lors d'une conférence de presse pour alerter une nouvelle fois sur la situation sanitaire compliquée dans le sud meurthe-et-mosellan
Depuis plusieurs jours, Mathieu Klein, maire de Nancy et président de la métropole du Grand Nancy ou encore Christian Rabaud, infectiologue et président de la Commission médicale d'établissement du CHRU de Nancy, alertent sur la situation tendue que vivent les établissements hospitaliers du territoire au point de demander à l'Etat un reconfinement. Une option exclue mardi soir par Olivier Véran, ministre de la Santé, qui a préféré une concertation en vue d'un renforcement du couvre-feu qui devrait débuter à 18 heures au lieu de 20 heures à partir du 2 janvier. Une décision qui laisse « perplexe » le professeur Rabaud « ce renforcement du couvre-feu aurait dû être appliqué ailleurs en France, chez nous il aurait fallu aller plus loin. Je crains que l'on soit en avance et que notre situation préfigure de la situation prochaine dans le reste du pays. »
Au lendemain de ces annonces, qui ne sont donc pas jugées suffisantes par les élus et les professionnels de santé, une conférence de presse exceptionnelle réunissant le CHU de Nancy et les cliniques privées s’est tenue ce mercredi pour dresser le bilan de la situation dans le Grand Nancy. Si Mathieu Klein a introduit cette conférence considérant notamment que « l’indicateur de la pression hospitalière est la seule vérité qui mérite d’être prise en compte » la parole a été rapidement laissée aux professionnels de santé qui ont fait un point de situation dans leur établissement ou service.
Bernard Dupont, directeur général du CHRU de Nancy a commencé par donner quelques chiffres concernant son établissement : « à ce jour, on dénombre 175 malades COVID sur le CHU dont 48 sont en service de réanimation. En temps normal le CHRU dispose de 66 lits de réanimation, parallèlement, nous avons le même nombre de malades non-COVID.» Une situation qui entraine les médecins « à faire des choix compliqués » souligne Bernard Dupont qui a également salué la collaboration importante avec les cliniques privées. »
« nous avons été obligés de décaler des interventions lourdes et c’est une perte de chance pour nos patients. »
Christophe Baillet, président de la clinique Louis Pasteur a fait part d’une situation tout autant compliquée « on a quasiment doublé notre service de réanimation, passant de huit lits à 14 dont 8 COVID positifs. Pour gérer ces lits supplémentaires, il faut une équipe de 50 personnes, c’est donc une grosse charge pour notre établissement. » Le tout dans un contexte particulier pour le personnel soignant « notre personnel est impacté par la maladie en plus des congés scolaires donc le taux d’absentéisme est important. » De ce fait, Christophe Baillet ne cache pas son inquiétude pour les patients non-COVID « nous avons été obligés de décaler des interventions lourdes et c’est une perte de chance pour nos patients. »
Même son de cloche chez Franck Vanlangendonck, directeur de la clinique de Gentilly « l’ensemble de l’activité chirurgicale a été déprogrammé, et cela une à deux semaines avant Noël. Aujourd’hui la situation est très complexe, les patients continuent d’affluer aux urgences, sur une quarantaine de patients par jour aux urgences, 7 à 8 présentent les symptômes du COVID qui nécessitent d’être hospitalisés et pour lesquels nous n’avons pas de lits disponibles pour les accueillir. Dans le secteur réanimation, nous avons généralement 10 lits, aujourd’hui à cause de personnel malade du COVID nous avons que six lits dont 5 patients COVID. »
Christian Rabaud pour le CHRU de Nancy a exposé un double problème « une montée en charge de la COVID, que l’on avait prévu et une difficulté de ressources humaines de double nature, à la fois actuellement une période de vacances et un nombre plus important qu’au printemps de soignants touchés par la COVID avec un certain nombre de clusters qui peuvent mettre en difficulté certains services qui doivent faire face à une augmentation de l’activité avec moins de moyens. » L’infectiologue n’a pas caché son inquiétude « alors que la situation actuelle ne prend pas en compte les déplacements qui ont entouré le réveillon de Noël, la situation est donc très tendue à date, mais tout porte à croire qu’avant la mise en place et l’action de nouvelles mesures, les choses vont monter pendant au moins une quinzaine de jours. » Conséquence de cette situation tendue selon le professeur Rabaud « on va être obligé de faire attendre certaines personnes que l’on a déjà appelées une ou plusieurs fois pour reporter leurs interventions, on prend du retard un peu partout à la différence du printemps dernier. Il est difficile de faire choix, il y a des questions éthiques qui s’imposent à nous quotidiennement et qui alourdissent encore le poids de la charge. »
« il y a des mesures urgentes à faire pour éviter que la poursuite de la deuxième vague dépasse nos possibilités. »
Un afflux de cas COVID qui impactent tous les services. Ainsi, selon le Pr François SIRVEAUX, Médecin Chirurgie orthopédique et traumatologique, son service est directement touché « par le fait que notre personnel est sollicité par d’autres services ou malade et puis nous sommes obligés de libérer des moyens au profit des cas COVID.» Pourtant la période actuelle est toujours très chargée au niveau orthopédique « l’automne et l’hiver représentent une forte demande de soins en chirurgie orthopédique c’est à cette époque-là que les gens se font opérer de leurs problèmes d’arthrose sans compter les chutes et les accidents de travail. Un certain nombre de patients ont été déprogrammés, par exemple 12 patients étaient programmés la semaine prochaine, j’en ferai seulement trois. Les délais s’allongent entre la consultation et l’intervention. » François Sirveaux relate également des problèmes en aval « des places en rééducation sont également pris par des patients COVID. » Bruno Levy, responsable de la réanimation au CHRU de Nancy-Brabois s’est déclaré quant à lui « très inquiet » de constater une forte pression non COVID «, mais la COVID prend le pas sur la réanimation et nous n’avons pas le personnel pour augmenter comme au printemps les lits de réanimation, nous sommes à plus de 90 lits, nous ne pourrons pas faire plus. » Si la situation perdure, « nous aurons des choix à faire et il sera nécessaire de demander de l’aide dans les autres régions en terme de réanimation. Le message doit être passé, il y a des mesures urgentes à faire pour éviter que la poursuite de la deuxième vague dépasse nos possibilités. » Concernant l’aide dans les autres régions et notamment les transferts de patients, si pour l’instant rien n’est prévu , Olivier Véran a informé Mathieu Klein que cela pouvait être envisagé prochainement.
Gérad Audibert, Responsable structure Anesthésie-Réanimation, complète « au mois de novembre, au sommet de la deuxième vague, il y avait 5000 patients en réanimation en France et 50 patients en soins critiques à Nancy, aujourd’hui on a 48 patients en soins critiques c’est-à-dire que nous n’avons pratiquement pas bougés. Il faut appréhender un rebond et même si du personnel va rentrer de congés, cela ne va pas suffire, il faut développer des mesures pour freiner l'épidémie, car à Nancy on ne pourra pas faire face de la même façon qu’au printemps, il est extrêmement difficile de récupérer le personnel dont on a besoin en réanimation et d’imposer à nos collègues chirurgiens de déprogrammer de façon très très forte. » Marc Debouverie, chef du Service de Neurologie estime que la situation en médecine « est plus tendue qu’au printemps du fait que l’on n’est pas aidé par l’extérieur au niveau du personnel notamment par les étudiants et il n’est plus possible de déprogrammer de façon massive comme au printemps du fait du retard pris. »
Le Pr Breton de la clinique Pasteur a lui lancé un appel à destination des établissements privés « tous les établissements privés de Lorraine sud doivent se préparer à développer un secteur de COVID tiède (NDLR : avec critères respiratoires pour lesquels le patient devra être surveillé en hospitalisation) chaque chirurgien est capable de tenir un tel service. »