Mardi 15 mai, à 20h30, s’est tenue une représentation unique d’un magnifique spectacle entre théâtre et musique, dernier d’une série de Concertextes organisés conjointement par le théâtre de la Manufacture et le Nancy Jazz Pulsations...
Qui ne connaît pas le Nancy Jazz Pulsations ? 38 éditions après le pari insensé de sa création, le festival est devenu l’événement musical de chaque automne nancéien. Mais le « NJP » pour les initiés, ne se restreint pas à cette limite temporelle : 15 jours en automne, ce n’est pas assez pour célébrer l’amour du jazz et des musiques actuelles ! Aussi, l’année est-elle émaillée de concerts ponctuels permettant aux amateurs de patienter en attendant le retour du festival. C’est dans ce cadre que le Nancy Jazz Pulsations, conjointement avec le théâtre de la Manufacture, avait programmé quatre « Concertextes », soit quatre performances hybrides entre spectacle vivant et musique. Le dernier de la série a eu lieu mardi 15 mai, à 20h30, au Théâtre de la Manufacture.
Ce fut à tous points de vue une belle conclusion. Elle mettait en scène Michel Didym et Jean Boillot pour dire les textes d’Armando Llamas, auteur d’origine argentine qui s’est néanmoins fait connaître à Nancy et en Lorraine à l’occasion de résidences inspirantes, l’ayant poussé à écrire en langue française.
Mais pour faire vivre les mots savoureux, poétiques, drôles, parfois acerbes de l’auteur, Michel Didym et Jean Boillot n’étaient pas seuls ; Chapelier Fou, homme-orchestre entre électrique et acoustique les accompagnait de sa musique, et parfois fournissait la voix-off de saynètes ironiques et impromptues.
Ce fut d’ailleurs lui qui, le premier, emmena par le son les spectateurs à la rencontre des textes. Il apparut seul sur le côté droit de la scène, tirant un violon d’un enchevêtrement d’instruments et de câbles ; tirant du violon des sons dont les échos furent répercutés par voie électronique, auxquels s’ajoutèrent peu à peu d’autres voix instrumentales, réelles ou artificielles.
Puis ce fut au tour de Jean Boillot de lire un très beau texte de Llamas, avant que sons et paroles ne s’entremêlent. Alors, comme aurait dit Baudelaire « Dans une ténébreuse et profonde unité / Vaste comme la nuit et comme la clarté / les couleurs et les sons se répond[irent] » à défaut des parfums. Les couleurs, à la fois d’un texte bigarré, changeant, et des projecteurs qui faisaient luire les instruments d’étrange et belle façon, sur cette scène épurée de tout autre décor. Les sons, nés du rythme et du claquement des mots, comme des compositions de Chapelier Fou. Les textes et la musique de chevauchant sans jamais s’étouffer l’un l’autre, il en émana une très belle harmonie.
Dès lors que Michel Didym, après une brève présentation d’Armando Llamas et de son œuvre, rejoint son complice de la soirée pour dire les textes, ceux-ci se métamorphosèrent. La vibrance poétique se mua en petits sketchs drôles, teintés d’ironie politique. Croquant ponctuellement les portraits de personnages souvent tendres et néanmoins toujours ambigus, les mots d’Armando Llamas se firent particulièrement émouvants, comme sur le dernier long et beau texte, Tata. Taillés sur le vif, les caractères y sonnaient humains, les situations à la fois absurdes et effroyablement concrètes. La musique portait les mots et en jaillissait à la fois. L’envie se fit de plus en plus irrépressible de se plonger dans l’œuvre de cet auteur, d’en lire les écrits à l’issue de la représentation.
Sur cette superbe prestation d’environ une heure trente s’acheva le cycle des Concertextes. Ce spectacle fut néanmoins si enchanteur qu’on ne peut qu’espérer que l’initiative sera renouvelée postérieurement à la 39e édition du Nancy Jazz Pulsations, qui fera vibrer la Cité Ducale du 10 au 20 octobre 2012.
