Cinéma. Rencontre avec le réalisateur du long métrage « NOS PATRIOTES », Gabriel Le Bomin...
Il était noir dans la France vaincue de 1940. Vaincue mais accueillante, côté Vosges, pour Addi Bâ, tirailleur guinéen qui refusa de passer en Suisse pour devenir l’un des fondateurs du premier maquis vosgien. D'où "Nos patriotes", passionnante épopée, tournée entre Vosges et Nancy, par Gabriel Le Bomin.
Votre film s’ouvre sur un terrible extrait de propagande nazie…
- Gabriel Le Bomin : Cette scène est historique. Cadre : Hengeste-sur-Somme, village déserté de sa population le 7 juin 1940. Comme les Allemands avaient besoin de figurants pour filmer leur actu guerrière, ils choisirent des tirailleurs sénégalais qui étaient prisonniers de guerre. Et tirèrent à balles réelles. On estime à 3000 ces tirailleurs abattus ainsi en juin 40. J’ai greffé ce crime de guerre à cette histoire là.
Justement, dans quelles sources avez-vous pioché l’aventure d’Addi Bâ ?
- Ce film est une libre adaptation du « Terroriste noir », roman de Tierno Monémembo. Précieux aussi, Etienne Guillermond, journaliste vosgien qui a approfondi le parcours dAddi Bâ. Engagé dans les tirailleurs, puis envoyé au front, il fut fait prisonnier, s’évada, se cacha en forêt et intégra le premier maquis vosgien. Mais, dénoncé, il fut fusillé à Épinal en décembre 1943.
Dénoncé par qui ?
- Par un mari jaloux. Car Addi Bâ avait un tempérament assez volage. Mais dans le film, j’ai transposé le moteur dramatique de la jalousie sur l’enfant de la fermière. Un jeune muet que l’on refuse d’intégrer au maquis.
Son jeune interprète est remarquable...
- Absolument. Ce jeune acteur, superbe d’énergie c’est Max Baissette de Malglève. Il incarne l’enfant sauvage si vous voulez.
Outre Marc Zinga (Addi Bâ), Alexandra Lamy, Louane Emera et Pierre Deladonchamps complètent le casting résistants. D’après le look de notre lorrain, avez-vous pensé à Jean Moulin ?
- Non, car ici, Pierre n’est pas préfet. Mais il incarne ce personnel administratif qui dut mettre en place une politique tout en ayant pour certains une volonté d’agir en dehors. Rester ou démissionner ? Il y eut ainsi toute une échelle d’attitudes. Et finalement, on peut dire que l’administration française a quand même pas mal temporisé certaines décisions de Vichy.
Vous ne montrez pas de scène de torture et pourtant on la ressent…
- Parce que la torture a été montrée dans plein de films et chacun sait que c’est effroyable. Pour cette scène tournée au palais du gouverneur à Nancy, j’ai donc créé ce personnage d’officier allemand qui intellectualise la torture. «Je pourrais te mettre des électrodes sur la langue, mais nous nous dégraderons l’un et l’autre ». Du coup, la scène prend une dimension terrible et originale.
Accentuée encore par le regard de la secrétaire…
- Vous êtes sensible, car vous avez vu ce regard d’effroi
Un effroi qui nous gagne...
- Exactement.
"Nos Patriotes" réalisé par Gabriel Le Bomin, sortie en salles le 14 juin 2017 - Durée 1h47