Vos Droits. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr.

Je voudrais vous exposer la situation que nous vivons ma compagne et moi-même.

Ma compagne (nous ne sommes ni mariés ni pacsés) a eu deux enfants nés en 2006 et 2008, âgés aujourd’hui de 12 et 10 ans. Le père biologique les a reconnus et ils portent son nom patronymique. Ils se sont séparés début 2010 et un jugement en date de juillet 2010 a prononcé : le partage de l’autorité parentale, une pension alimentaire à la charge du père de 150€ par mois et par enfant, un droit de visite 1samedi sur 2, durant 2h au domicile et en présence de la tante paternelle.

Le père biologique a exercé son droit de visite jusqu’à mi 2011. Il a, de son propre chef, décidé de ne verser que la moitié de la pension alimentaire. À compter de mi 2011, il n’a plus exercé son droit de visite et n’a plus pris de nouvelles de ses enfants. Nous vivons ensemble avec ma compagne et ses enfants depuis fin 2011, dans la région Nancéienne puis, à compter de mi 2012, en Polynésie française.

Le père biologique a été informé du changement de domicile de ses enfants. Il ne s’est pas manifesté depuis 7 ans. Ma compagne est atteinte d’un cancer qui lui a été diagnostiqué début 2018 et a nécessité qu’elle vienne se faire traiter à Nancy. Je suis resté seul en Polynésie avec mes beaux-enfants sans avoir de délégation d’autorité parentale.

Ma compagne a pris contact avec le père biologique pour lui demander qu’il donne son consentement à la délégation d’autorité parentale qu’elle souhaitait demander (pour moi) auprès du tribunal de Papeete. Il a refusé. Ma compagne l’a relancé plusieurs fois courant 2018 mais il est resté sur ses positions.

Pendant cette période, il n’a pas pris de nouvelles ni souhaité entrer en contact avec ses enfants biologiques. Ma compagne étant revenue en Polynésie à l’issue de son traitement, nous pensions laisser tomber la demande.

Il se trouve que le traitement a échoué et qu’elle doit de nouveau venir se faire traiter en métropole. De plus, son espérance de survie à court moyen terme est réduite.

Ma compagne souhaite donc pouvoir prémunir ses enfants en cas de disparition afin qu’ils ne retournent pas vivre avec leur père biologique (qui serait l’unique détenteur de l’autorité parentale) avec qui ils n’ont aucun contact depuis plus de 7 ans, qu’ils ne connaissent pas et qui ne manifeste aucun intérêt pour eux.

D’autre part, je vais me retrouver pour plusieurs mois dans la même situation que l’an dernier, sans autorité parentale, à élever, éduquer et gérer seuls mes beaux-enfants.

Quelles solutions juridiques s’ouvrent à nous ?

1/ en matière de délégation d’autorité parentale (pendant l’absence de ma compagne pour traitement en métropole)

• Demande de l’autorité parentale exclusive ? puis me déléguer l’autorité parentale ?

2/ en matière de « sécurisation » des enfants en cas de disparition de ma compagne

• Demande de l’autorité parentale exclusive et délégation et volonté testamentaire pour que je sois leur tuteur en cas de décès ?

• Procédure d’adoption simple (après mariage) sachant que le père biologique ne donnera pas son agrément ?

• Procédure en délaissement parental visant le père biologique ?

Le père biologique, mis à part un virement automatique de 150€ par mois (non honoré certains mois) manifeste un désintérêt total pour ses enfants. Pour autant, en l’état, de par son absence totale, il ne constitue pas une menace pour eux.

Le risque existerait pour eux dans le cas de la disparition de ma compagne.

Pouvez-vous m’éclairer sur les procédures qui pourraient être menées et leur chance de succès. Il est à noter que les deux enfants ont clairement manifesté leur désintérêt de leur père biologique et le désir ferme en cas de disparition de leur mère, de rester vivre avec moi dans notre environnement familial.

J’aimerais pouvoir les rassurer sur ce point, mais mis à part ma volonté d’assumer le rôle de parent « à vie » je n’ai aucun statut légal me permettant de leur donner des garanties.

Je comprends que la loi privilégie les liens avec les parents biologiques et protège le parent séparé de ses enfants, mais nous nous trouvons dans un cas de figure où le père, s’il n’a jamais manifesté son attitude au cas où il devrait assumer son rôle de parent, depuis plus de 7 ans ne s’est jamais manifesté auprès de ses enfants.

Ceux-ci continuent à avoir des relations avec leur demi-sœur âgée de 21 ans (fille du père biologique d’une précédente relation, mais qui ne vivait pas non plus avec son père).

Anonyme


maitrecarmagnaniLa réponse de Déborah Carmagnani, avocate au barreau de Nancy

La délégation d'autorité parentale est un acte important dans la vie d'un enfant et de ses parents. Cette procédure vise a demander au juge qu’une personne autre de que l’un des parents puisse exercer l’autorité parentale vis-à-vis de l’enfant. Elle peut être totale ou partielle.

Sachez qu’il n’est pas nécessaire que vous obteniez l’accord du père des enfants de votre compagne pour demander au juge une telle délégation. Dans la mesure où le père des enfants, ne manifeste aucun intérêt pour eux depuis une longue période, je vous conseilleraidans une même requête de faire précéder votre demande de délégation d’autorité parentale, d’une déclaration de délaissement parentale comme le permet l’article 1208-4 du Code de Procédure Civile. Au vu des circonstances et avec un dossier justifiant clairement de la situation, vous ne devriez pas avoir trop de difficulté à obtenir cette délégation. Toutefois, je vous conseille, même si sa présence n’est pas obligatoire, de vous faire assister d’un avocat pour préparer le dossier.

Être beau-parent c’est un fait et non un statut juridique. Le beau-parent n’a aucun droit ni aucun devoir envers l’enfant de la personne avec qui il vit, n’ayant pas de lien de filiation établi à son égard. Cependant, certains mécanismes juridiques permettent d’établir des liens avec le beau-parent.

En cas de décès du parent, le beau-parent peut se voir confier l’enfant. Les juges apprécient, au cas par cas, les dossiers pour voir quel est l’intérêt de l’enfant. Le juge vérifiera notamment si ce tiers a déjà habité avec les enfants, l’attachement des enfants à ce tiers, la capacité de ce tiers à s’occuper des enfants, le lien qui existe entre les enfants et le tiers,...

De plus, de son vivant, n’importe quel parent peut rédiger des volontés testamentaires pour que ses vœux pour l’enfant soient connus à son décès. Votre compagne peut faire cette démarche devant un notaire afin d’attester de la véracité de ses propos. Le juge pourra confier l’enfant au beau-parent s’il constate un attachement fort, comme c’est le cas dans votre situation.

Le beau-parent peut aussi adopter l’enfant de son conjoint qu’il élève, comme c’est votre situation. Dans votre cas, les enfants ayant un lien de filiation avec le père biologique seule l’adoption simple est envisageable. Elle ne substitue pas au lien de parentalité biologique, mais ajoute un lien de parentalité à ceux déjà établis. À compter de l’âge de 13 ans, l’enfant devra consentir à cette adoption.

Vous devez sécuriser au maximum la situation des enfants au cas où leur mère viendrait à décéder. JE vous conseillerai donc de réunir toutes les preuves nécessaires et de cumuler délaissement d’enfant et délégation d’autorité parentale, puis mariage et adoption simple et si le père s’oppose à l’adoption, demande d’autorité parentale exclusive par la mère et délégation d’autorité parentale partagée entre vous et la mère. Et enfin, je conseille à votre conjointe de faire connaître ses volontés dans un testament devant notaire.

Afin d’ajuster au mieux la procédure, au fur et à mesure des circonstances de l’espèce, je vous conseille de vous faire assister par un avocat, puisque bien souvent, de multiples évènements interviennent, ce qui nécessite de réajuster son action..


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