Plus d’un siècle après sa naissance, Nancy rend enfin hommage à l’un de ses artistes les plus mondialement renommés. Notamment sur la plus belle place de la Cité Ducale, où un objet insolite vient d’être inauguré pour interpeller le public...
Dans le soleil printanier qui règne sur la place Stanislas, resplendit un étrange objet. Un « totem » d’une dizaine de mètres, qui néanmoins ne rend pas hommage à une quelconque tribu peau-rouge, mais à un artiste lorrain encore trop méconnu : Jean Prouvé. Conçu comme un « véritable signe dans la ville, destiné à signifier l’importance de Jean Prouvé dans l’espace urbain », selon Christian Debize, directeur de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Nancy (ENSAN), ce « totem » se présente sous la forme d’une reproduction en bois, peinte en rouge et à l’échelle, de l’emblématique Chaise Métropole n°305 réalisée par Prouvé en 1953, posée sur un immense socle, face à l’Hôtel de Ville. Un projet ambitieux, confié aux étudiants de Troisième Année de la section Design de l’ENSAN, et scrupuleusement réalisé par la société France-Lanord Bichaton.
Mais bien plus encore, l’inauguration de cette construction, vendredi 16 mars 2012, a marqué le coup d’envoi d’un véritable « Evénement Prouvé », qui s’inscrira dans toute la ville du 30 juin au 28 octobre 2012. « C’était un moyen de ramener Prouvé à la maison » s’explique Christian Debize, tout sourire à l’idée de permettre à Nancy de redécouvrir ce grand artiste local, bizarrement « plus connu à Berlin, Paris et New York » où une grande salle du MOMA est consacrée à ses assemblages d’architecture.
A l’origine de ce projet, Laurent Hénart, adjoint au Maire attaché à la culture, indique la même envie de revaloriser un artiste emblématique de la région. A l’occasion de la célébration du centenaire de sa naissance, en 2001, il fut décidé d’entreprendre un patient travail de collection, d’acquisitions, de prêts, de restauration afin de rendre à Jean Prouvé la place qu’il méritait dans l’histoire culturelle lorraine. Un artiste que M. Hénart décrit comme « un citoyen engagé, qui se consacra aux côtés de l’Abbé Pierre à la construction d’habitats d’urgence ; qui se soucia de bâtir pour le plus grand nombre, dans une véritable démarche sociale ; fut un résistant ; et fit à la fois débat et école, influençant de nombreux artistes jusqu’à nos jours ».
Expositions en série pour un artiste aux multiples facettes
Dès le 30 juin seront inaugurés deux lieux d’exposition permanente. Une salle Jean Prouvé d’environ 300 m2 au Musée des Beaux-Arts de Nancy célèbrera les multiples facettes de son talent créatif autour de cinq thématiques caractéristiques de son œuvre : Mécanique, série et standard, structure, matière et contexture, mobilité et légèreté. Son travail y sera, en outre, présenté en parallèle avec celui de certains de ses contemporains comme Etienne Cournault, Duchamp-Villon ou encore Fernand Léger, afin de permettre le dialogue des œuvres. Au Musée de l’Histoire du Fer, à Jarville-La-Malgrange, ce sont ses qualités de constructeur, de ferronnier, d’artisan concepteur d’espaces industriels fonctionnels, qui seront plus particulièrement exaltées.
Jusqu’au 28 octobre, quatre expositions temporaires lui seront consacrées : Jean Prouvé, ferronnier d’art au Musée de l’Ecole de Nancy reviendra sur ses débuts dans le domaine de la ferronnerie d’art. Jean Prouvé à Nancy, construire des jours meilleurs au Musée Lorrain retracera le parcours de cet humaniste durant la période de 1939 à 1956, de l’Après-Guerre à la Reconstruction. La Maison Tropicale au Musée des Beaux Arts de Nancy verra reconstituée et restaurée dans le jardin du musée cette demeure exceptionnelle, à l’origine bâtie à Brazzaville, et qui fut préservée au centre Pompidou. (Centre Pompidou qui doit d’ailleurs beaucoup à Prouvé, « celui-ci ayant été, rappelle M. Debize, le président du jury qui en a choisi l’architecture ».) Les visiteurs pourront même suivre les différentes étapes de sa conception et de sa construction, grâce aux nombreux croquis et travaux préparatoires qui ponctueront le chemin vers l’installation. Enfin, L’Emotion Design, la collection d’Alexander Van Vegesack, aux Galeries Poirel, présentera le travail innovant de Prouvé en ce qui concerne le design, au-travers de nombreuses pièces de mobilier, mais aussi de luminaires, peintures, photographies.
Un parcours sur les traces de l’artiste dans la ville
Mais cela n’est pas tout : les Nancéiens pourront s’aventurer à la découverte de Prouvé dans les rues-mêmes de la ville, où du 30 juin au 28octobre 2012, un parcours sera organisé pour mettre en lumière les diverses contributions de Prouvé dans l’environnement urbain ; des grilles du cimetière de Préville à la rampe d’escalier de la brasserie Excelsior, en passant par l’école Maternelle du Placieux à Villers-Les-Nancy. Mais surtout, le temps fort à ne pas manquer sera la visite de la maison et de l’atelier de l’artiste : les visiteurs pourront pénétrer dans l’atelier, ou une visite virtuelle de la maison, conçue par les étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Nancy, leur sera proposée.
Pour que l’hommage soit complet, le Comité Scientifique Jean Prouvé, dirigé par le fameux architecte italien Renzo Piano a imaginé un projet ambitieux qui se poursuivra bien au-delà du 28 octobre 2012, avec l’ouverture du Palais des Congrès, centre Prouvé en 2013, et l’installation de la Maison Tropicale au Musée de l’Histoire du Fer en 2014.
Ainsi la ville de Nancy souhaitait-elle enfin rendre à l’une de ses personnalités les plus emblématiques la place qui lui revenait : à l’image de cette chaise, fièrement dressée sur la place Stan, un siège à son sommet, ouvert au firmament.
Pour en savoir plus : www.jeanprouvenancy2012.com