VOS DROITS. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr.

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photo d'illustration - www ici c nancy fr



Question : 
Mon fils âgé de 16 ans suit actuellement en tant qu’apprenti un bac paysagiste. Son employeur lui demande d’être au dépôt à 7 h 30 et ne compte que les heures lorsque lui et les autres sont sur le chantier. Par conséquent, s’ils arrivent à 10 h, l'employeur ne compte les heures à compter de ce moment là. Et il compte également pour le départ, l’heure du dernier chantier et ne calcule pas l’heure d’arrivée au dépôt. Pour une journée de 7 h 30 à 19 h, s’ils ont passé 4 heures aller-retour il décompte. Est-ce normal ???

Merci à vous d’apporter une réponse

Virginie D.

maitrecarmagnani

 La réponse de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy

L’article L 3121-4 du Code du travail prévoit que:

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire ». 

Ainsi, le temps de trajet entre le domicile du salarié et son lieu habituel de travail n’est pas du temps de travail effectif, ce qui signifie que ce temps n’a pas à être rémunéré ni pris en compte dans le calcul des durées légales ou dans le calcul des majorations pour heures supplémentaires. 

Le principe posé par l’article L 3121-4 du Code du travail est toutefois assorti de deux garanties pour le salarié : 

— une contrepartie doit être prévue lorsque le temps de déplacement excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, 

— la part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail du salarié ne doit pas entrainer de perte de salaire. 

Dans l’affaire qui a conduit la Cour de cassation à rendre son arrêt du 31 janvier 2012, il était question du temps de trajet entre le lieu de l’entreprise et le chantier sur lequel le salarié était affecté. 

Ainsi, le temps de trajet entre deux lieux de travail (le siège de l’entreprise et un chantier par exemple) est généralement considéré comme un temps de travail effectif et rémunéré en tant que tel lorsque le salarié est à la disposition de son employeur durant ce trajet. Il en est ainsi lorsque le salarié conduit un véhicule de l’entreprise pour transporter du personnel ou du matériel, ou lorsqu’il est tenu de se rendre au siège de l’entreprise avant l’heure d’embauche pour procéder au chargement de matériaux. Dans ce cas, la jurisprudence considère qu’il est à la disposition de l’employeur et ne peut pas vaquer librement à ses occupations.

Néanmoins, dans cette nouvelle affaire, la demande du salarié qui réclamait d’être réglé du temps passé sur la route entre l’entreprise et le lieu du chantier avait été rejetée par les 1ers juges, ces derniers retenant que l’employeur avait par le passé indiqué aux salariés l’exclusion des temps de trajet du temps de travail effectif et que le transport dans un véhicule mis à disposition par l’entreprise des salariés, qui par ailleurs percevaient l’indemnité conventionnelle de trajet, ne permettait pas de considérer les temps de trajet entre le siège de la société et les chantiers comme des temps de travail effectif. 

La Cour de cassation n’est pas du même avis. Rappelant que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L 3121-1 du Code du travail), la haute juridiction relevait qu’en l’espèce, les salariés avaient l’obligation de se rendre pour l’embauche au siège de l’entreprise et étaient dès lors à la disposition de l’employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Dès lors, il a été considéré que le temps de trajet entre l’entreprise et le chantier constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel. 

De plus, la Convention Collective des entreprises de paysage, à laquelle votre fils est soumis en tant qu’apprenti, précise en son article 6:

"

a) Est réputé constituer un temps normal de trajet celui qui éloigne les salariés de moins de 50 km du siège, de l’agence ou du dépôt.

b) Le salarié qui se rend par ses propres moyens sur le chantier assigné par son employeur perçoit pour ses frais de repas, s’il ne déjeune ni à l’entreprise ni à son domicile, une indemnité de panier, d’un montant égal à la valeur de 2,5 MG en vigueur au 1er janvier de l’année en cours.

c) Le salarié qui se rend sur les chantiers par les moyens de transport mis à sa disposition par l’entreprise au siège ou dans l’un de ses dépôts est indemnisé dans les conditions suivantes :

· Dans la limite du temps normal de trajet visé au a) ci-dessus, le salarié est globalement indemnisé de ses frais de panier et de déplacement par le biais d’une indemnité pour petit déplacement fixée comme suit :

— dans un rayon de 0 à 5 km du siège ou du dépôt jusqu’au chantier 3 MG
— dans un rayon de plus de 5 km jusqu’à 20 km 4 MG
— dans un rayon de plus de 20 km jusqu’à 30 km 5 MG
— dans un rayon de 30 km jusqu’à 50 km 6 MG

Le MG applicable est celui en vigueur au 1er janvier de l’année en cours.

· Au-delà du temps normal de trajet visé au a) ci-dessus, le salarié est, en outre, rémunéré pour le trajet restant comme s’il s’agissait d’un temps de travail.

L’appréciation, en durée, du temps normal de trajet de petit déplacement est déterminé par accord collectif d’entreprise ou à défaut par l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils existent.

d) Dans les zones à faible densité de population, le temps normal de trajet peut excéder 50 km sans dépasser 70 km.

Ce temps normal de trajet est déterminé par accord collectif d’entreprise ou à défaut par l’employeur, après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils existent et ratification à la majorité du personnel.

Cet accord devra préciser les données économiques justifiant ce dépassement et fixer les conditions d’indemnisation du temps normal de trajet tel que retenu par l’accord.

"

Ce qui signifie que si votre fils a l’obligation de se rendre à son entreprise avant de se rendre sur le chantier, notamment pour charger du matériel ou s’il est soumis aux directives de son employeur, le temps de transport doit être considéré comme du temps de travail effectif.

À défaut d’être à la disposition de son employeur pendant le trajet, votre fils soit percevoir une indemnité de transport et de panier pour les chantiers situés à moins de 50 km. Au-delà de 50 km de trajet, le transport est là encore compté comme du temps de travail effectif.

En l’espèce, au vu des temps de trajet que vous m’indiquez, il est probable que les distances de trajet excèdent 50 km. De sorte que ce temps devrait être rémunéré en temps de travail effectif.

N’hésitez pas à rappeler ces quelques règles à l’employeur, qui peut, tout simplement en ignorer l’existence. Laissons-lui le bénéfice du doute. À défaut, il sera toujours temps d’agir en justice afin de demander un rappel de salaire et de congés pour tous ces temps passés dans les trajets.

"

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