VOS DROITS. Chaque semaine, Maître Déborah Carmagnani avocate au barreau de Nancy répond aux questions des lecteurs de ici-c-nancy.fr.
code travail
Chaque lundi, les explications juridiques de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy. Crédit photo DR
 

Question : Je vous explique mon cas, mon patron me dit devant mes collègues qu’il va me retirer du travail et que je pourrai aller à pôle emploi, un autre jour, il me dit suite à soi disant 300 erreurs sur un fichier, que j’ai de la chance je n’avais qu’une erreur et ce n’est pas aujourd’hui que je vais vous licencier, au mois de mai il n’a pas apprécié que je me fasse hospitalisée et là courant novembre il me fait une remarque sur mes horaires je termine à 18 h 15 et me dit que je dois éteindre mon ordinateur à 18 h 15 et non à 18 h 14 et que le classement je le fais après l’heure, il est toujours à me faire des remarques et concernant mes tâches à effectuer je le sais par mail par mes collègues, car je ne suis jamais aux réunions alors que cela me concerne. Il n’est pas aimable du tout avec moi, alors j’ai craqué, j’ai écrit sur Facebook sans préciser son nom ni l’entreprise que c’était un con, je sais que je n’aurais pas dû, mais au bout d’un moment...... j’ai reçu une lettre en main propre le vendredi 20 décembre pour une convocation le jeudi 26 décembre et maintenant il m’envoie un mail pour une nouvelle convocation en janvier pour m’informer de sa décision à mon égard, j’ai demandé à la déléguée du personnel de m’accompagner. L’année dernière trois salariés sont partis par rupture conventionnelle, car ils n’en pouvaient plus des pressions de la direction et que moi j’ai été élue déléguée suppléante du personnel, je ne sais pas si ça peut faire quelque chose, mais mon directeur n’a pas apprécié les résultats ils voulaient d’autre salariés en tant que titulaire et suppléant. Le médecin a voulu me mettre en arrêt il y a quelques semaines, mais j’ai refusé, de plus mon directeur est très connu à la médecine du travail et à l’inspection du travail, est-ce que je peux envoyer un courrier à l’inspection pour leur signaler ses agissements. 

Orlane

maitrecarmagnani

 La réponse de Maître Carmagnani, avocate au barreau de Nancy

De nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress en entreprise. Votre cas n’est donc, malheureusement, pas isolé.

Parmi les cas les plus connus, on peut citer la condamnation de France Télécom en mars 2010 par la cour d’appel de Paris. L’opérateur a été condamné à verser 400.000 euros à un ex-haut cadre de l’entreprise pour harcèlement moral après l’avoir « laissé pendant deux ans et demi sans affectation ni travail précis ». De même, Renault a été condamné pour « faute inexcusable » après les suicides de trois de ses salariés fin 2006— début 2007 sur leur lieu de travail. Faute reconnue à nouveau en juin dernier.

En octobre 2006, un ingénieur de 39 ans s’était donné la mort en se jetant d’une passerelle du Technocentre. Ce suicide avait été suivi d’un second en janvier 2007, puis d’un troisième le mois suivant. Dans la lettre qu’il avait laissée pour justifier son geste, le technicien décédé le 16 février 2007 expliquait qu’il ne se sentait pas capable de faire ce travail, que le travail était « trop dur à supporter ». La justice a estimé que la direction n’avait pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses collaborateurs.

Le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés, qui ont pour effet une forte dégradation des conditions de travail qui porte atteinte à ses droits et à sa dignité, ou altère sa santé physique ou mentale, ou compromet son avenir professionnel.

Les articles L 1152-1 à 3 du Code du travail définissent de la manière suivante le harcèlement moral : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l’alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

Ces agissements sont interdits, même en l’absence de lien hiérarchique entre celui ou celle qui commet et celui ou celle qui subit.

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi. Cette dernière ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce. Elle ne peut, en revanche, résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2012).

Les faits peuvent être constatés sur procès-verbal par les inspecteurs et contrôleurs du travail et sont passibles des sanctions prévues par le Code pénal. Je vous conseille donc d’avertir sans tarder l’inspection du travail sur votre situation afin qu’ils puissent intervenir au niveau de votre hiérarchie.

De même, avertissez sans tarder le médecin du travail de la situation et demandez-lui d’intervenir dans votre entreprise.

Vous devez informer ces deux instances par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de vous constituer des preuves au cas où votre affaire finirait devant les tribunaux.

Sanctions encourues par les auteurs 

L’auteur de harcèlement risque à la fois des sanctions disciplinaires, civiles et pénales. L’auteur de harcèlement moral peut se voir condamné par les tribunaux civils ou administratifs à verser à sa victime des dommages-intérêts à sa victime. Au niveau pénal, le harcèlement moral est un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. 

Recours des victimes 

Tout salarié qui se considère comme étant harcelé doit impérativement collecter tous les éléments de preuve des agissements de harcèlement moral.

L’article 1154-1 du Code du travail prévoit en effet que le salarié doit établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Devant le Conseil des prud’hommes, tout sera affaire de preuve. Des attestations de collègues, ou de supérieurs hiérarchiques constituent la preuve parfaite. Les éléments de preuve démontrant l’impact des agissements de harcèlement sur la santé mentale et/ou physique du salarié, notamment par l’attestation d’un médecin traitant, d’un psychiatre ou d’un psychothérapeute, doivent également être apportés. Enfin, il convient de démontrer la répétition et la récurrence desdits agissements. Un agissement isolé peut être illégal sans pour autant constituer un harcèlement moral au sens du Code du travail.

Munissez-vous d’un maximum d’éléments de preuve

La victime ou la personne accusée de harcèlement moral peuvent engager une procédure de médiation. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties. Le médiateur tentera alors de vous concilier et vous soumettra des propositions écrites en vue de mettre fin au harcèlement. En cas d’échec de la conciliation, il informe les parties des sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en votre faveur. 

Au vu de votre situation, il est probable que vous devrez en passer par une procédure devant les tribunaux. 

Si vous relevez du secteur privé, le conseil de prud’hommes peut être saisi pour faire cesser les agissements et obtenir réparation du préjudice subi. Si vous êtes agent public, vous pouvez poursuivre les mêmes objectifs en saisissant le tribunal administratif. Vous devez présenter des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il appartiendra ensuite à la personne accusée de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral. 

Vous pouvez aussi décider d’engager un procès pénal. Vous pouvez porter plainte, dans un délai de 3 ans  à compter des faits, puis vous constituer partie civile. Si la plainte est classée sans suite, vous pouvez déposer une plainte avec constitution de partie civile. 

Toute organisation syndicale représentative dans l’entreprise, avec l’accord écrit du salarié, peut engager à sa place une action devant le conseil de prud’hommes et se porter partie civile devant le juge pénal. Le salarié peut toujours intervenir à l’instance ainsi engagée et y mettre fin. Par contre un syndicat ne peut pas se porter partie civile en matière de harcèlement, sauf si la personne concernée est une déléguée syndicale, ce qui est votre cas.

Sachez que les délégués syndicaux sont particulièrement protégés par les textes de loi contre le harcèlement et le licenciement. Raison probable pour laquelle votre employeur n’était pas particulièrement content quand vous avez été élue, puisqu’ainsi il disposait de moins de latitude pour agir à sa guise.

En tout état de cause, il est important de réagir très vite. Plus la situation de harcèlement perdure, plus les conséquences en seront traumatiques et profondes, et plus vous aurez du mal à s’en remettre. Il n’y a pas de raison que vous subissiez plus longtemps ces agissements.

Rapprochez-vous, sans délai des instances syndicales qui sauront parfaitement vous guider et vous soutenir dans cette démarche.

Une question juridique ? Faites nous parvenir un courriel à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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