Écrivain à succès adulé par ses lecteurs, Gilles Legardinier était de passage samedi 27 octobre à Nancy. Quelques heures avant une rencontre prévue avec ses lecteurs organisée par le Hall du Livre, nous l’avons rencontré à l’Hôtel de la Reine. Interview.

Gilles Legardinier est un écrivain qui prend son temps, le temps de recevoir ses lecteurs, les journalistes pour échanger autour de ses livres et aborder la vie avec un brin de philosophie et d’humour. Quelques heures avant la rencontre programmée en début d’après-midi salle Raugraff, nous l’avons rencontré pour une interview. Loin des discours convenus et du formatage ambiant, Gilles Legardinier est un écrivain qui le moins qu’on puisse dire ne manie pas le double langage et déteste les formules toutes faites. Son nouveau livre intitulé « J’ai encore menti » prend pour point d’ancrage le quotidien de Laura victime d’un accident tragique qui va la conduire à l’amnésie.

Les perceptions de Laura, sa place dans la société vont être ainsi chamboulés. Libérée des expériences passées avec une franchise déconcertante et immédiate, elle va s’affranchir naturellement des paroles corsetées par le conformisme pour se lancer dans une nouvelle vie. Un champ des possibles qui a servi de base à l’écrivain pour le meilleur et pour le pire. Les proches de Laura vont devoir également composer avec cette jeune femme imprévisible et irrationnelle animée par ses pulsions. 

Avec Gilles Legardinier la vie n’est assurément pas un long fleuve tranquille. Au contraire, elle bouillonne pour servir une comédie tantôt loufoque, acide, voire pleine d’espoirs. Une palette d’émotions et de sensations farouchement défendues par l’auteur qui revendique sa liberté d’écrire. Philosophe, observateur des rapports humains, il manie tout aussi bien l’art du divertissement et la maîtrise du premier et du second degré dans ses romans.

I.C.N : « Demain J’arrête » (2011), « Complètement cramé » (2012), « Et soudain tout change » (2013), « Ça ne peut pas rater » (2014)... Après plusieurs ouvrages à succès classés parmi les best-sellers, vous faites paraître aux éditions Flammarion « J’ai encore Menti ». Le livre s’annonce déjà sous les meilleurs auspices. Comment expliquez-vous ce succès ?

Gilles Legardinier : Je ne l’explique pas du tout. J’écris ce que je ressens et ce que je crois. Je parle uniquement de choses qui me font soit hurler de rire soit qui me bouleverse et les gens se reconnaissent dans mes ouvrages. Aujourd’hui ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant ce que je suis que ce que je peux faire. Ça se passe bien, le public est génial et ça ne change pas ma vie donc tout va bien.

Vous êtes ce samedi 27 octobre ici à Nancy, un jour particulier puisqu’il s’agit du jour de votre anniversaire, doit-on y percevoir quelque chose de symbolique par rapport à vos lecteurs, car vous semblez très proche d’eux ?

Nancy est une ville que je connais bien et que j’aime. Non, il s’agit en fait d’un pur hasard, une concomitance de dates, si je suis là le jour de mon anniversaire, mais je suis à l’âge où l’anniversaire n’est plus une chose si importante. Le compteur prend un clic, je m’en fiche. Par contre, je suis très heureux que le hasard fasse qu’aujourd’hui je puisse passer ma journée d’anniversaire avec mes lecteurs, ça, c’est génial.

Justement, vous allez rencontrer vos lecteurs lors d’une rencontre organisée par le Hall du Livre... 

La rencontre moi je suis fan parce que c’est le moment où on peut vraiment échanger. On ne parle pas que de mes livres, je ne suis pas dans l’analyse de mon œuvre, mais plutôt de parler de la vie, d’échanger... Faire avec les rencontres de ce que j’espère faire avec mes livres, c’est-à-dire décaler un peu le regard des gens, leur donner la patate, l’envie de continuer, d’y croire et leur montrer que tout n’est pas aussi noir que ce qu’on nous dépeint d’habitude.

► Les lecteurs sont-ils une source d’inspiration ? 

Ils ne m’inspirent pas, mais ils me motivent ça c’est évident. Je ne pille pas le réel, parce que je pense que tout le monde est capable de voir la vie telle qu’elle est. Difficile, parfois lourde avec de bons moments et qu’à ce niveau là je n’ai aucune prétention, on n’oblige pas quelqu’un à acheter un livre pour découvrir ce qu’il connait parfaitement. Mon job, c’est d’aller vers des sentiments universels qui me touchent réellement dans lesquels les gens se reconnaissent et d’une façon un peu décalée qui est liée à ma personnalité. Le reste honnêtement, il n’y a pas de message, il y a la vie. Mes livres aujourd’hui sont la concrétisation de ce que je suis, mais quand j’étais gamin je faisais déjà l’andouille pour faire rire mes proches... Je suis payé pour faire l’andouille, il y a pire comme job.

► Dans ce nouvel opus, on retrouve des ingrédients qui vous caractérisent, de l’humour de la tendresse, des jeux de mots, de la légèreté... En quelques mots un « feel good book »  ?

C’est une expression que je ne supporte pas. Ce sont des décérébrés, dans la grande série « étiquettons tout pour que ce soit plus facile à vendre » qui nous réduisent à ça. Les gens qui me lisent savent qui je suis, ils viennent aussi chercher des évènements dramatiques. Mes bouquins parlent à chaque fois de gens qui sont dans la daube vraiment.

► Effectivement, l’héroïne est en réelle difficulté, le livre débute d’ailleurs de cette manière.

Les bonnes comédies sont construites sur des drames. Du coup ce sont presque des chroniques de vie qui sont orientées à travers un prisme d’humour. Mais clairement, je n’ai pas la volonté de passer de la pommade aux lecteurs ou décrire ce que des gens ont inventé alors que les mots français existent avec un nom de catégorie un peu débile et très réducteur pour tout ceux à qui on les code d’ailleurs.  

► On commence donc l’ouvrage avec Laura victime d’un dramatique accident de poney...

Ça arrive, l’équitation est la première cause d’accident sport en France.

... Elle plonge dans l’amnésie la plus totale. Elle doit reconquérir la vie, revoir toutes les bases, s’alimenter, refaire des relations...

Pour moi l’idée c’était qu'on vit nos vies avec beaucoup d’habitude avec beaucoup de passages obligés qu’on nous prétend comme incontournables. Alors, comment réagirait-on, si tous ces passages obligés qu’on nous impose dans la vie, on y revenait avec la fraicheur d’un enfant et qu’on se disait, mais c’est quoi ce truc en fait ? Quelle tête ferait-on si on devait mettre devant vous vos parents, quel regard pourriez-vous avoir si vous n’étiez pas habitué, ce que c’est de tomber amoureux , de manger des trucs qui piquent, ce que c’est de brancher une prise de courant à l’envers. Toutes ces choses qu’on a l’impression de savoir et qu’on ne découvre plus. Quel regard, on aurait dessus si on revenait vierge, mais avec déjà son caractère. C’est pour cela que j’ai voulu que Laura ait cet accident. L’idée c’était de la réinitialiser complètement et qu’elle redécouvre tout ce qu’elle croit habituel et qui ne l’est jamais.

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Le dernier ouvrage de Gilles Legardinier - photo et montage icicnancy fr
► Spontanément, on diviserait votre ouvrage en deux parties. D’abord l’accident dont est victime Laura et les premiers jours qui suivent comme une « renaissance » physiologique où la narratrice retrouve très progressivement ses capacités les plus primaires. Puis, une seconde partie qui plonge le lecteur dans quelque chose de différent, presque une enquête. Une quête identitaire pour découvrir qui elle est réellement, découvrir qui est sa mère pourquoi celle-ci a disparu... Le tout jalonné aussi par les investigations de Laura afin de découvrir qui est le mystérieux inconnu transi d’amour pour elle. Êtes vous d’accord avec cette analyse ?

Non pas du tout, pardon, mais vous avez une analyse très clinique. Pour moi dans votre vie, tous les jours vous manipulez des sentiments et des choses en fait qui s’entrecroisent, si aujourd’hui quelqu’un venait vous voir pour vous dire voilà, il y a plusieurs parties dans votre vie, il y a vos enfants, votre travail, votre famille... etc. Non, vous êtes un tout qui gérez au fur et à mesure les choses qui vous posent des problèmes, vous attirent. Vos enfants imposent leurs rythmes, votre vie professionnelle impose son rythme et vous êtes là-dedans. Je construis mes livres là-dessus, je ne suis pas à doser des ingrédients. Je suis un sentiment comme dans la vie c’est-à-dire que dans dix ans, on ne sait pas, vous comme moi de ce qui se passera. Ça sera fait de rencontres, de hasards, de nos réactions, de nos envies, de nos capacités. Il n’y a que les mauvais scénaristes qui peuvent vous dire ce que vous allez exactement faire. C’est à dire, que quelques fois des choses insignifiantes peuvent changer votre vie, vous pouvez planifier votre existence autant que vous voulez, vous pouvez organiser tout ce que vous voulez... Soyez tranquille, on foutra tout en l’air parce que le pire des hasards et toujours plus puissant désorganisé.

► Laura est le personnage central de ce roman. Elle est rongée par les peurs. Elle est souvent indécise. Elle a peur de ne pas être à sa place. Elle le dit à un moment dans le livre « Je préfère les questions aux réponses ». Et vous, quel homme êtes-vous  ?

Je crois que c’est le lot de tout humain. Je suis un humain, je doute et j’espère. Je pense que ceux qui ne doutent pas sont les plus cons en général, car tout individu, doté d’un tout petit peu de conscience et de recul ne peut que se poser des questions sur ce qu’il a fait, sur ce qu’il n’a pas fait et sur ce qu’il pourrait faire. Les certitudes, ça ne sert pas à grand-chose d’une part et c’est contre-productif pour utiliser un mot français à la mode. Personne ne peut-être certain de rien surtout pas dans l’époque où on vit. Donc Laura en est là, mais elle en est là, libre. D’un seul coup, elle n’a plus toutes ces habitudes, plus de schémas préconçus de pensée et de vie. Si ça sent bon, elle a envie de le manger, ce qui est presque animal, ce qui est presque enfantin. Si c’est beau, elle a envie de s’en approcher, si ça lui fait peur elle a envie de s’en éloigner. Ce sont des principes qu’on oublie aujourd’hui, il y a plein d’endroits où on est mal à l’aise parce qu’on oublie simplement ces comportements basiques. C’est-à-dire qu’on est mal à l’aise par rapport à des choses, mais on continue à les accepter alors qu’il suffit de dire « Mais non, c’est juste glauque, je me barre ». C’est ça que j’ai voulu vivre avec Laura et à travers Laura.

► Pour autant, Laura n’est pas un personnage aussi ingénu qu’elle n’y parait, elle démontre une vraie force de caractère...

Oui, elle a du caractère, il fallait quelqu’un comme ça. Dans une vie malheureusement suivant les cartes qu’on a, des gens sont plus enclins à subir et d’autres à agir. Toute la gamme de nuances existe entre, mais elle c’est plutôt quelqu’un qui a toujours été dans l’action, je me reconnais là dedans, je ne suis pas un passif du tout. Du coup, elle réagit d’autant meiux et d’autant plus face à ce qu’elle découvre.

► Kayane, l’amour illusoire, les déceptions... À travers « J’ai menti », vous pointez du doigt les diktats de la société...

Ce n’est pas tant les diktats que des choses qu’on nous impose. Cette espèce de normes dans lesquels les comportements se développent et qui ne nous correspond pas du tout en fait. Je trouvais ça rigolo de confronter Laura d’abord à des schémas tout faits avant qu’elle trouve ses schémas à elle.

► Au fil des pages, on retrouve de très belles expressions mêlées souvent à l’ironie et ouvrant à une réflexion sur le sens de la vie...

C’est gentil, merci. Pour moi, l’humour est la forme la plus chaleureuse pour faire passer des choses sérieuses. Les gens qui donnent des leçons à tout le monde, ça gonfle tout le monde. Maintenant tout le monde donne des leçons. Exprimer un avis c’est déjà presque présomptueux à une époque où tout le monde peut l’ouvrir pour dire n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Tout le monde peut exprimer un avis aujourd’hui. Le mieux c’est de le faire un peu en légèreté, au second degré je crois assez à ça.

► Si on vous dit que c’est un livre positif qui porte aussi un regard décalé sur la vie parce que vous proposez en réalité plusieurs grilles de lecture. Qu’en pensez-vous ?

Complètement. Je pense que je suis un homme comme ça, j’infuse ce que j’écris. Écrire c’est une façon de communiquer avec les gens et de créer avec chacun d’eux , un pont particulier, un lien particulier. Je viens du cinéma, lorsque vous travaillez pour le cinéma, les gens sont une centaine dans une salle à ressentir la même chose c’est génial et j’adore le livre parce que le livre vous le lisez, vous me lisez si vous voulez quand vous voulez à votre rythme sans coupure pub. Cette espèce d’intimité bienveillante me va complètement. 

► Un mot sur la couverture de votre ouvrage, elle est explosive tant par les couleurs que par la présence de ce chien au premier plan le sourire figé, les pattes sur le déclencheur. Prêt à tout faire sauter à la dynamite  ! 

Je voulais ça. Lorsque j’ai commencé à créer mes couvertures de livres, j’ai d’abord observé celles de mes confrères. Certaines de leurs couvertures sont absolument sublimes, beaucoup sont prétentieuses et on ne comprend pas ce qu’il y a dedans. Chez Flammarion, mes romans se vendent pas mal, mes couvertures ont le mérite d’être libres. Sur une boite de petit pois je ne pense pas qu’il faut mettre aliment d’origine machin. Je pense qu’il faut écrire petit pois point. Les gens vont vite et j’ai besoin d’un livre qui accroche et qui frappe. Je suis comme ça j’ai besoin de comprendre rapidement à quoi j’ai affaire et à qui j’ai affaire. J’ai essayé de faire la même chose. C’est un choix, les couvertures m’ont permis des ventes, elles m’ont toujours limité d’un point de vue image. C’est-à-dire que si j’avais une couverture totalement épurée avec rien, peut-être je serais considéré autrement, mais peu importe. Les gens qui ont voulu me trouver m’ont trouvé et me portent. Honnêtement j’assume très bien, même si les gens n’achètent pas, ils rigolent en la voyant et ça, ça me va !

► À quel moment est intervenu le choix du titre « J’ai encore menti » ? 

Il m’est venu très vite. Les titres me viennent, mes histoires vieillissent très longtemps dans ma tête, j’ai souvent un sentiment qui se colle sur un personnage puis je développe l’histoire. Et, il y a un moment, lorsque je prêt à l’écrire, le titre s’impose pour moi. À ce moment-là, le fruit est prêt à être cueilli et je peux  me mettre à écrire. Je sais exactement où je vais, comment je vais. Je ne pars pas en promenade surtout avec l’idée d’emmener des gens qui me font confiance. J’essaie de faire de mon mieux à chaque fois et en complète sincérité. Au moment où je commence à taper au clavier, j’ai absolument tout dans la tête. 

► Avez-vous des rituels qui vous accompagnent dans l’écriture ? 

Non, les enfants m’ont permis d’apprendre à écrire dans un foutoir complet. J’ai besoin de travailler très tôt le matin parce que c’est le moment où j’ai la paix et que je ne suis pas dérangé au téléphone. Je commence à 3 h 30 du matin jusqu’au petit déjeuner et si la journée me le permet, je remets ça sinon je suis disponible pour les autres.

► Vous avez débuté une tournée littéraire qui vous mène aux quatre coins de l’hexagone, dans de nombreuses villes . Où en êtes-vous ?

Oui il y en a encore beaucoup, on a tout juste commencé, je n’en suis pas à la moitié. Ça se passe bien. J’ai toujours l’appréhension que les gens ne viennent pas parce que c’est un rendez-vous que je leur propose... Un rendez-vous qu’ils sont libres d’accepter ou non et à chaque fois ils démentent cette peur magnifiquement et avec des mots et des regards juste bluffants. Pour moi, je ne suis pas en tournée de promo, mais de rencontres. Je vois des gens, je vois des réalités, je vois des vies parfois dramatiques, d’autres fois magnifiques et ils viennent me le dire. Le livre a changé tout cela pour moi, c’est-à-dire écrire m’a permis d’être immédiatement proche de gens que je ne connais absolument pas. C’est un luxe de vie qui est colossal.

► Quel est le plus beau compliment entendu à votre égard et qui vous a peut-être le plus touché ?

Il y en aurait trop, les plus beaux ce sont les regards quand les gens viennent vers vous. Vous savez ce qu’ils ont ressenti et ça dépasse vraiment les mots, il y a un truc humain qui est juste extraordinaire. Alors, les compliments à la limite je m’en fous, c’est plus les sentiments qui m’intéressent.

J'ai encore menti de Gilles Legardinier Ed. Flammarion- 400 pages -


propos recueillis C.Scopel

 

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