NJP 2012- Jeudi 11 octobre, pour le deuxième soir de cette 39e édition du Festival Nancy Jazz Pulsations, le théâtre de la Manufacture accueillait le Tony Tixier Quartet, puis le Enrico Rava Quintet. Deux groupes aux styles très différents pour une superbe soirée jazz.

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Une Soirée Jazz Toute en Contrastes à la Manufacture - crédit photo RC ICI-C-NANCY.FR

 

  A seulement 26 ans, décrit comme le nouveau prodige avec lequel le monde du jazz va désormais devoir compter, Tony Tixier n’est pourtant déjà plus un débutant. Après avoir joué dès la fin de l’adolescence en première partie d’artistes à la renommée mondiale tels que Dee Dee Bridgewater, Archie Shepp ou encore Marcus Miller, il s’est fait connaître dans diverses formations où œuvrait également son frère, le violoniste de jazz Scott Tixier ; avec qui il a d’ailleurs remporté les Trophées du Sunside en 2007. Mais pour son nouveau disque, Dream Pursuit, c’est New York qui l’a inspiré. Dans « la ville qui ne dort jamais », il a trouvé des musiciens de talent, et formé un tout nouveau quartet, baptisé tout simplement le Tony Tixier Quartet. Et c’est avec cette formation qu’il s’est produit le jeudi 11 octobre au Théâtre de la Manufacture, dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations, excepté que son batteur habituel, Justin Brown, était remplacé pour l’occasion par Gautier Garrigue.

  L’une des premières choses qui frappe le spectateur en cette soirée du 11 octobre est alors qu’en dépit des prestations théâtrales effectuées par Tony Tixier dans les mises en scène de son père durant ses jeunes années, le pianiste n’a pas l’air très à l’aise dès lors qu’il s’agit de s’adresser au public. Mais qu’importe, celui-ci préfère l’écouter jouer, et une fois ses mains sur le clavier, Tony Tixier retrouve visiblement ses marques. Tantôt recroquevillé sur son piano, tantôt dansant à moitié sur son tabouret, il semble alors se fondre d’autant plus totalement dans cette musique qu’elle est uniquement constituée de compositions originales, écrites par Tixier expressément pour le Quartet. (A l’exception d’une chanson de Bob Marley réarrangée par ses soins en milieu de set, pour laquelle Logan Richardson, excellent saxophoniste alto, sort de scène, laissant la formation jouer en trio).

  Très colorée, d’une écriture complexe, architecturée pour valoriser essentiellement le saxophone et le piano, cette musique porte l’empreinte indéniable des années de conservatoire et de la culture classique de Tony Tixier. Très belle, très pure, elle est interprétée avec talent et maîtrise constante. Les musiciens sont réputés pour être de très bons improvisateurs et pourtant, tout semble extrêmement calculé. Mais dans ce cadre musical strict, le dialogue du magnifique saxophone alto de Logan Richardson et du piano chantant de Tony Tixier ressort admirablement, c’est indéniable.

  On regrettera toutefois un peu de ne pas mieux entendre Burniss Earl Travis : quoique le jeu en soit magistral, la ligne de contrebasse restera discrète tout le long du concert, et excepté sur le morceau de rappel qui lui offrira l’opportunité d’effectuer un superbe solo d’ouverture, on peinera vraiment à la distinguer. Dommage, car la base rythmique est pourtant bien assurée, non seulement par le talentueux contrebassiste, mais également par la batterie de Gautier Garrigue, qui parvient à soutenir le tempo le plus effréné comme à se faire caressante sur les morceaux plus doux.

  Au final, durant une heure et demie, le Tony Tixier Quartet offre ainsi une très belle prestation, alternant musique poétique incitant à la rêverie et partitions plus enlevées, permettant aux musiciens de se laisser porter par les rythmes. Les spectateurs auront même plusieurs occasions de rire, Logan Richardson et Tony Tixier s’accordant parfois entre les morceaux quant à la suite de leur set, parce qu’ « On change selon l’énergie de la salle, on n’est pas des machines, alors on n’a pas décidé d’avance » comme l’expliquera avec une maladresse charmante le leader de la formation en ces quelques occasions d’incertitude.

Instrumentistes Déchaînés et Sons Entremêlés

  Après un petit quart d’heure d’entracte, c’est le Enrico Rava Quintet qui prend place sur scène, et à la simple disposition des micros, à la façon qu’a Enrico Rava de se balader sur scène avec sa trompette, on sent déjà qu’on va assister à un show moins calibré. De fait, les styles des deux groupes de la soirée sont très contrastés.

  Avec plus de quarante ans de carrière derrière lui, le trompettiste italien, dont la vocation a surgie à l’écoute de Miles Davis, garde une énergie et une présence scénique incroyables. A la Manufacture, il était entouré de son quintette « Tribe » composé de Gianluca Petrella au trombone, de Giovanni Guidi au piano, de Gabriele Evangelista à la contrebasse et de Fabrizio Sferra à la batterie.

  Les sons fusent de toutes parts. Chaque instrument peut à loisir laisser s’exprimer sa personnalité ; chaque musicien aura l’occasion de démontrer sa maestria dans un solo où un autre le rattrapera parfois en cours de route. Les instruments s’écoutent, se répondent, s’assemblent, se dispersent, pour produire une musique joyeuse, entraînante, où chacun trouve sa place. Le contrebassiste, Gabriele Evangelista, semble par moments tout entier immergé dans ses notes, comme s’il ne savait même plus où il se trouvait. Le pianiste, lui, a l’air de ne pas pouvoir rester en place sur son tabouret ; sur certains morceaux il malmène son piano, le frappe du plat et de la tranche des mains, voire du poing. Il semble tellement déchaîné et éprouver tant de difficultés à rester assis qu’on dirait presque qu’il va finir par se lever et sauter à pieds joints dessus pour mieux faire éclater le son. Le tromboniste, Gianluca Petrella, est formidable, à tel point que les mots manquent pour le décrire. Tantôt il fusionne avec la trompette d’Enrico Rava, les cuivres ayant attaqué les premières notes de ce concert endiablé ensemble ; tantôt il s’isole, pour d’extraordinaires séquences où la voix grave de l’instrument s’élève paisiblement ou se libère avec grâce des entraves et de la contrainte adjuvante de la sourdine ; tantôt encore il rattrape le fil tissé et lancé par ses camarades de scène en plein vol, les solos se réunissant et s’harmonisant.

  A certains moments, les deux cuivres s’allient pour pleurer, pour crier, pour gémir, à mesure qu’Enrico Rava et Gianluca Petrella les triturent, jouant de la musicalité propre des instruments comme des grincements que peuvent produire leurs constituants métalliques ou des soupirs que peuvent faire naître les glissements de la coulisse. Ainsi, il y a un rapport vraiment matiériste des musiciens à leur instrument, comme si chacun d’entre eux les malaxait pour en explorer tous les possibles créatifs.

  Le batteur, Fabrizio Sferra, n’est d’ailleurs pas en reste, maintenant une force impressionnante et une pulsation acérée.

  Un peu anarchiquement mais sans antagonisme, les sons se superposent, se fondent, se dissemblent, se rassemblent, se frôlent, se rejoignent, se séparent puis se reviennent. Ainsi les morceaux s’enchaînent et les instruments s’entremêlent à tel point qu’on ne sait bientôt plus où commence et où finit la musique. Et c’est sans doute là sa plus grande grâce ; cette faculté d’emporter les spectateurs au-delà du spectacle, en-dehors de toute temporalité, dans le simple plaisir de ce beau moment de mélomanie, inscrit dans une soirée fugace. La délectation qu’on en retire est profonde et l’acclamation qui saluera le départ des musiciens de la scène en demeurera le meilleur gage.

 

Nancy Jazz Pulsations_ 39e Edition

Du 10 au 20 octobre 2012 à Nancy

 

Programmation Complète, Renseignements, Tarifs :

www.nancyjazzpulsations.com

Boutique Nancy Jazz Pulsations

106 Grand Rue

54000 NANCY

 

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