Cinéma. Le 5 octobre 2016 sortira dans les salles de cinéma, Le ciel attendra, un film coup de poing de la cinéaste Marie-Castille Mention-Schaar. À l'occasion de la projection du film en avant-première, la réalisatrice était à Nancy avec Noémie Merlant et Naomi Amarger interprétant les rôles-titres. Rencontre. 

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Marie-Castille Mention-Schaar à Nancy entourée de ses deux actrices - crédit photo CS - www.ici-c-nancy.fr

Non, l'Islam des croyants n'est pas celui de l'Islam de Daech. Dans une époque mouvementée, le film de Marie-Castille Mention-Schaar s'intéresse aux mécanismes de l'embrigadement de Daech chez les jeunes filles et des familles dévastées qui en sont victimes. Entre fiction et documentaire, la cinéaste nous entraîne dans l'univers édulcoré d'une adolescence vulnérable et retrace les contours de vies bouleversées par Daech. Sonia (Noémie Merlant), 17 ans, et Mélanie (Naomi Amarger), 16 ans sont toutes les deux lycéennes. Alors que la famille de la première jeune fille (Sandrine Bonnaire et Zinedine Soualem) tente désespérément d'arracher leur fille au djihadisme après son départ avorté pour la Syrie, le spectateur va assister à la plongée irrémédiable dans la radicalisation de Mélanie, une adolescente de 16 ans sans que ses parents (Clotilde Courau et Yvan Attal) s'en rendent compte. Un film d'une dureté extrême évoquant un sujet d'actualité brûlant mêlant les sujets de l'adolescence, la famille et de la religion. Pour ce film, la cinéaste a fait un important travail de documentarisation, a suivi plusieurs mois l'anthropologue Dounia Bouzar, directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI) lors de tables rondes destinées aux familles et aux jeunes embrigadés afin de décrypter et comprendre ce phénomène. En France, selon des chiffres de mai 2016, Matignon avait estimé à près de 9.300 personnes signalées pour « radicalisation violente », dont 30 % de femmes et 20 % de mineurs. Près de 1.600 jeunes « font l'objet d'un accompagnement ».  

RENCONTRE - avec la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar et les actrices Noémie Merlant et Naomi Amarger

 
L'anthropologue, Dounia Bouzar intègre dans le film son propre rôle...

Marie-Castille Mention-Schaar : « Elle n'a pas accepté tout de suite de jouer son propre rôle, j'ai mis du temps à rentrer en contact avec elle, de lui expliquer ma démarche, elle a regardé le film Les Héritiers qu'elle n'avait pas vu et elle m'a appelé. Dans la nuit, elle m'a envoyé un message écrit pour dire qu'elle acceptait d'ouvrir la porte à mon équipe en précisant qu'elle nous faisait confiance et que nous pouvions la suivre dans tout son travail. Deux jours plus tard, on commençait, elle me disait telle heure, tel endroit, j'arrivais et j'étais complètement plongée dans son travail. Son personnage n'était pas au départ dans la construction du scénario, mais au fur et à mesure de mon immersion avec elle, ça me semblait indispensable que ce soit elle. Un peu, comme pour Les Héritiers où Léon a accepté de venir plutôt qu'un comédien. Dounia a accepté au bout d'un moment. C'est un peu une héroïne parce que c'est une pionnière, il y a beaucoup de gens pour critiquer, mais peu pour faire des choses de la manière dont elle les fait au détriment de sa sécurité. Il faut savoir que c'est quelqu'un qui a six officiers de sécurité constamment avec elle parce qu'elle est menacée. Dounia a cette force, qui mérite d'être saluée. »  

L'émotion au coeur de l'immersion

Marie-Castille Mention-Schaar : « J'ai suivi Dounia pendant trois mois, que se soit dans des séances de déradicalisation ou de diagnostics : est-ce que oui, c'est une adolescente qui s'est radicalisée ou bien juste une ado qui s'est convertie dont les parents sont inquiets ? Elle pose des questions pour établir des diagnostics dans ces séances de paroles parce qu'elles sont entre elles, sans jugement. Dans tous ces moments-là, l'humain est tellement présent qu’à la première séance on s'est mis à pleurer parce que les histoires sont tellement fortes qu'on ne peut pas être là, écouter et rester insensible. Je demande toujours de leurs nouvelles à Dounia ».   

Le film a été tourné trois jours après les attentats du 13 novembre 2015...

Noémie Merlant (Sonia dans le film) : « Nous étions très unis ça nous a aidé lors du tournage. Et puis, comme on devait apprendre des prières pour le personnage qui n'est pas l'Islam, mais l'Islam de Daech, j'ai fait un travail personnel sur cette religion que je connaissais très peu. J'ai rencontré un imam, j'ai parlé à des musulmanes, j'ai lu le Coran pour bien distinguer... » 

L'adolescence, une période de doutes et de quête de l'absolu

Marie-Castille Mention-Schaar : « L'adolescence peut être une période où vous avez tout, vous ne manquez de rien, mais est-ce que ça suffit pour que votre vie soit pleine ? Je pense qu'il y a beaucoup d'adolescents aujourd'hui qui manquent de ça, c'est un ressenti. »

Pour Naomi Amarger (Mélanie dans le film) : « Pour Mélanie, l'élément déclencheur, ce qui la retranche dans cette solitude c'est la mort de sa grand-mère, elle a une vie équilibrée. À part que ses parents sont divorcés, elle n'a pas de problème, elle et sa mère s'entendent bien. Elle n'est pas dans une solitude à l'origine, elle se pose des questions. Lorsque le recruteur djihadiste rentre en contact avec elle, il parle des religions, ça part d'une conversation naïve autour de la vie après la mort. Elle cherche à être rassurée et il prend de plus en plus de place dans sa vie, car il lui procure du réconfort ». 

Des vidéos de propagande qui utilisent d'abord des éléments centrés sur le quotidien...

Marie-Castille Mention-Schaar : « Ces vidéos sont les plus dangereuses, car moi-même en les regardant, je me disais : oui c'est vrai ! Les scandales politiques, sanitaires, les vaccins, le médiator, la liste est longue, les scandales financiers c'est tout le temps... Lorsqu'on montre ça à un ado qui est dans une période très susceptible, très en alerte avec toutes les injustices du monde et qu'on lui dit : regarde on te ment, c'est très facile de le croire. Et, si sur ce discours-là, on lui rajoute des éléments qui peuvent aller vers un discours qu'il pense être de vérité... Ils n'ont pas de contre-discours, c'est là où l'école est d'autant plus importance dans la construction d'un esprit critique. Les rabatteurs sont extrêmement intelligents, ils ne vont jamais tenir des discours directement liés à Daech ou à la Syrie, ils vont avoir des discours qui pourront être directement liés à l'adolescence. Ensuite, les vidéos plus violentes interviennent beaucoup plus tard dans le processus, les adolescentes radicalisées peuvent regarder des têtes coupées, un mec qui joue au foot avec une tête et qui rigole, parce qu'on les a tellement coupées de leurs émotions, qu'elles ne ressentent plus rien ».

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Noémie Merlant jouant le rôle du personnage de Sonia avec sa mère interprétée Sandrine Bonnaire - crédit image Guy Ferrandis (Le Ciel Attendra)
 
Le personnage de Mélanie et sa dissimulation pendant l'embrigadement

Marie-Castille Mention-Schaar : « Le personnage de Mélanie est complètement dans la dissimulation. D'ailleurs, quasiment tous les parents que j'ai vus n'ont rien vu chez leur enfant parce qu'ils n'ont pas observé de changement de look. Mélanie ne supporte plus que sa mère s'habille de telle façon. Il y a malgré tout des signes, le côté « je te rejette » qui est mis sur le compte de l'adolescence. Beaucoup passent à côté... »


le-ciel-attendra-mini- Le ciel attendra - (drame)
Notre avis : etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini-25x25etoile-mini--grisee-25x25
Excellent  ☆☆☆☆☆ 
Très Bon☆☆☆☆   
Bon☆☆☆    
Moyen ☆☆    
Médiocre 
 
Date de sortie : 5 octobre, (1 h 40 min) 
Réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar(Les Héritiers, en 2014) 
Le Pitch du film : Sonia, 17 ans, a failli commettre l'irréparable pour "garantir" à sa famille une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l'école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d'un "prince" sur internet. Elles pourraient s'appeler Anaïs, Manon, Leila ou Clara, et comme elles, croiser un jour la route de l'embrigadement… Pourraient-elles en revenir? 
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