edgarncyPortrait lacunaire d’un homme ambigu qui marqua profondément l’Histoire de l’Amérique contemporaine, J. Edgar pèche par sa rigidité, à force de focaliser sur la plus secrète fêlure de son sujet. Un biopic intelligent mais dérangeant, dont Clint Eastwood survole trop les aspects polémiques.

 

 

     

Institution majeure de la vie politique et judiciaire américaine, le FBI n’en finit plus de susciter les fantasmes de la fiction, qu’elle soit cinématographique, littéraire ou télévisuelle. Pourtant ses origines sont méconnues, notamment le rôle que joua celui qui fut son directeur pendant près de cinquante ans afin de l’ériger en incontournable organe de pouvoir. C’est de cet homme controversé que Clint Eastwood, lui-même personnalité-phare du cinéma américain, a choisi d’effectuer le portrait dans son dernier film, J. Edgar…  pour John Edgar Hoover.

Un rôle tenu par Leonardo DiCaprio, qui s’était déjà frotté au délicat travail d’interprétation d’un personnage réel polémique dans Aviator, de Martin Scorsese (2005). Le parallèle est d’ailleurs intéressant, car comme le biopic d’Howard Hughes, celui d’Hoover est lacunaire, centré sur une fêlure psychologique certes intéressante, mais à laquelle il apparaît toutefois suspect de réduire le personnage.

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Dans ses premiers romans, constitutifs d’une tétralogie connue sous le nom de « Quatuor de Los Angeles » – et qui comprend d’ailleurs LA Confidential et Le Dahlia Noir, respectivement adaptés au cinéma par Gus Van Sant et Brian de Palma en 1997 et 2006 – l’écrivain américain James Ellroy égratignait passablement Howard Hughes, le dépeignant comme un parvenu proche du crime organisé, trempant dans divers trafics, à la limite du proxénétisme, fervent adepte du maccartysme. Scorsese avait pour son film privilégié la description d’un conquérant du ciel, producteur patriote et talentueux, rongé par une profonde névrose hygiéniste. D’une façon similaire, Clint Eastwood livre une vision d’Hoover tronquée, qui oublie volontairement de développer les aspects les plus obscurs du personnage, ceux qu’Ellroy avait justement soulignés dans sa dernière trilogie, « Underworld USA » : sa peur obsessionnelle d’une invasion communiste ; son refus obstiné de reconnaître l’existence du syndicat du crime, à une époque où les frères Kennedy luttaient ardemment pour le démanteler ; ses magouilles paranoïaques pour enregistrer des informations suffisamment compromettantes pour tenir à sa botte l’ensemble de la classe politique sous huit présidences ; ainsi surtout que son acharné travail de sape et de discréditation à l’encontre du Mouvement des Droits Civiques, nourri de virulentes attaques envers Martin Luther King. Ces omissions sont dérangeantes, car elles représentent un pan fondamental de l’Histoire Américaine. Certes Clint Eastwood ne les écarte pas totalement, mais se contenter de les mentionner paraît au mieux un peu léger.

Manipulation ? L’intelligence d’Eastwood est de montrer le désarroi d’un homme perdu au beau milieu de ses propres mensonges. A force de romancer sa vie aux yeux des médias, de la classe politique, de ses collaborateurs, et même de sa famille, par crainte de devoir assumer une homosexualité refoulée qui ne pouvait pas dire son nom, Edgar Hoover a oublié qui il était lui-même. Et force est de constater que la prestation de Leonardo DiCaprio est à la hauteur de ce mensonge fait homme, bien que cette réussite n’en contraste que davantage avec le ratage immonde du maquillage de son accolyte vieilli, Clyde Tolson (Armie Hammer, vu à la télé dans Gossip Girl et sur grand écran dans The Social Network, qui ressemble alors à Frankenstein dans un mauvais jour).

Ainsi, il est vraiment regrettable que le portrait de ce personnage ambigu et fascinant soit gâché par la dimension unilatérale de son propos, qui provient probablement également du choix d’une forme de réalisation trop stricte. Malgré les flashbacks en effet, malgré l’irruption dans le récit de personnalités et d’événements majeurs du vingtième-siècle américain (l’affaire Lindbergh, le Watergate qui se profile à l’horizon du film), ce portrait d’Hoover, demeure, comme son sujet, trop strict, trop rigide, trop lointain.


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J. Edgar 

Biopic (02h15min) -

De Clint Eastwood Avec Leonardo DiCaprio, Naomi Watts

Le film explore la vie publique et privée de l’une des figures les plus puissantes, les plus controversées et les plus énigmatiques du 20e siècle, J. Edgar Hoover. Incarnation du maintien de la loi en Amérique pendant près de cinquante ans, J. Edgar Hoover était à la fois craint et admiré, honni et révéré. Mais, derrière les portes fermées, il cachait des secrets qui auraient pu ruiner son image, sa carrière et sa vie.

 

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